La grande subversion
Par Victor Abel
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Lorsque la réalité devient une froide lucidité existentielle dénuée de sensibilité, l’art et la littérature doivent redorer leur blason pour restaurer la joie. Le croire n’est ni utopie ni intellectualisme vain, mais plutôt la démarche et la volonté profonde de Victor Abel. En tant que peintre, il crée des images avec des mots, en tant qu’écrivain, il écrit en couleur.
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Aperçu du livre
La grande subversion - Victor Abel
Victor Abel
La grande subversion
Roman
ycRfQ7XCWLAnHKAUKxt--ZgA2Tk9nR5ITn66GuqoFd_3JKqp5G702Iw2GnZDhayPX8VaxIzTUfw7T8N2cM0E-uuVpP-H6n77mQdOvpH8GM70YSMgax3FqA4SEYHI6UDg_tU85i1ASbalg068-g© Lys Bleu Éditions – Victor Abel
ISBN : 979-10-422-0892-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce matin-là, les premiers rayons du soleil furent pour la Seine. Plus belle était-elle depuis son embâcle ? Sortie des quais, elle atteignait les rues voisines. Pourtant, personne ne semblait se préoccuper du fleuve en colère et tous négligeaient les quelques immeubles qui avaient déjà été emportés par les flots. La tour du père Eiffel penchait en s’enfonçant dans le sol devenu marécageux. C’était un jour nouveau sur la République de Paris, tourbillonnante, étourdissante, ahurissante comme toujours.
6 mai, le matin, à la sortie du métropolitain, quelque part dans la République de Paris
Des mécaniciens de la Société pour la nationalisation sans perturbation des chemins de fer, la SPLNSPDCDF, s’affairaient sur un incident technique d’apparence banal, mais qui leur causait bien des préoccupations. La ligne 1 du métropolitain était ainsi bloquée depuis de nombreuses minutes. Qui s’en serait étonné ? Les ouvriers devaient travailler malgré les larmoiements des usagers qui se faisaient de plus en plus violents à leur égard. Le tumulte de la vie de la République de Paris devait s’exprimer. Et bien qu’on leur expliquait que le convoi de 7 h 34 n’avait pas su s’arrêter et s’était engouffré dans celui de 7 h 32, rien à faire ! la masse furieuse n’en dérougissait pas. Un grand classique ! La SPLNSPDCDF avait comptabilisé huit incidents de la sorte les cinq derniers jours.
À la SPLNSPDCDF, tout était bien coordonné. De haut en bas, au grand jamais de bas en haut, les ordres respectaient le cheminement naturel et, en effet, sous le regard attentif du chef superviseur, monsieur l’amiral Baudoin chevalier de la Légion d’honneur, le sous-superviseur, monsieur Martin, transmettait ses consignes à l’adjoint-superviseur monsieur Bernard. Ce dernier seulement pouvait s’adresser aux ouvriers par voie de communiqué. Justement, Léon Babin, communiqué à la main, s’affairait à extraire les derniers wagons au volant de son lourd bulldozer acquis dans des temps antédiluviens par la société. Non loin de là donc, de droite à gauche, monsieur l’amiral Baudoin, monsieur Martin et monsieur Bernard veillent scrupuleusement au grain en prenant une tasse de thé.
Une petite armée de sous-fifres certifiés conformes par l’administration publique sortait les débris rabroués par le bulldozer. On les reconnaissait facilement à leur chasuble jaune réfléchissant qui les distinguait des ouvriers standards de la SPLNSPDCDF en chasuble orange pour leur part. À l’aide de brouettes que les sous-fifres faisaient rouler sur un chemin de planches précairement disposées, ils acheminaient les morceaux de carcasses des wagons jusqu’à la sortie du tunnel. Les débris accumulés empêchaient les résidents de la République de Paris d’entrer dans le souterrain. Les sous-fifres certifiés conformes ne chômaient pas malgré leur revenu minimum d’indépendance idéologique. Le regard sévère du chef superviseur en disait long sur son humeur. Il s’adonnait aussi au fouet, même si un décret sur la sécurité et le bonheur au travail en modérait l’utilisation depuis peu.
Le métropolitain de 7 h 42 allait entrer en gare. Le fouet s’agitait de plus en plus. L’efficacité était de rigueur et la paresse farouchement réprimandée.
Les plus gros morceaux de wagons qu’on ne parvenait pas à extraire furent poussés au fond du tunnel. D’autres ouvriers, tout aussi conformes, élevèrent une cloison cache-misère afin de camoufler tout ce fatras.
Sept heures quarante-deux sonnaient déjà. Des vibrations annonçaient l’arrivée imminente du convoi. Les sous-fifres certifiés conformes par l’administration publique se retirèrent et se mirent en rond-point pour prier. Un boulon grippé avait résisté à leur matériel hautement sophistiqué : maillets, tenailles, torches et égoïne. Ils se résignèrent à prier pour que cela n’entraîne pas le déraillement du prochain convoi. Un Pater et deux Ave furent entonnés, mais au troisième, ils furent censurés par deux agents de la Sécularisation nationale qui patrouillaient dans ce secteur. Des avertissements furent distribués sous les prétextes de précaution et de laïcité en milieu de travail. On était aussi sensible à ne pas ébruiter un nouveau scandale contre les chasubles jaunes.
Enfin, le chauffeur du train de 7 h 42 fut averti par pigeon postal réputé infatigable. Il devait entrer doucement en gare afin d’éviter de s’inscrire au registre des retraites anticipées, mesure disciplinaire mise en place depuis le matin même par monsieur l’amiral Baudoin pour minimiser les interventions de terrain qui faisaient mauvaise presse. Bien entendu, le système de freinage était inspecté annuellement. Cela n’empêcha pas un bataillon d’étincelles pressées d’aller se refroidir à l’air libre et pur de l’extérieur, de s’échapper du crissement aigu des roues et des rails. Deux fois encore, le chef de wagon offrit un spectacle pyrotechnique aux quelque quarante usagers hautement mécontents des transports en commun qui faisaient le pied de grue sur le quai. L’expérience seule du chauffeur lui servit et il s’arrêta sans que le chef superviseur de la SPLNSPDCDF dût rappeler Léon Babin et son bulldozer qui venait avec peine de s’extraire de la porte étroite du métropolitain.
L’un des ouvriers de la Société pour la nationalisation sans perturbation des chemins de ferraille poussa un soupir de soulagement. Ce dernier signa même sa croix à l’insu des agents de la Sécularisation nationale qui verbalisaient un groupe de syndicalistes de la Régie vraiment indépendante pour le travail bien fait, la RVIPLTBF, qui ne scandait pas leur slogan en alexandrins, comme le prévoyait la loi sur les mœurs et le rythme des revendications du 14 mai dernier.
« Le repos, c’est tabou ! On en viendra tous à bout ! 35 heures, c’est du passé ! Le dimanche, c’est dépassé ! »
Dans ces cas-là, les autorités, habituellement oisives, passaient au crible les manifestants trop industrieux. On s’efforça néanmoins de ne pas entraver la marche des passagers républicains qui bénéficiaient bien entendu de l’immunité idéologique. Philippe Duruisseau fut le dernier à s’extirper de son wagon réservé aux royalistes. Les deux derniers de la file, les plus inconfortables et les plus bruyants étaient réservés aux gens de son engeance.
Revenons rapidement à Philippe Duruisseau ! Appelons-le Èfdée, comme tous les personnages de cette histoire le feront d’ailleurs. Ce sera plus commode. Vous verrez ! Enfin…
Les pics de grève laissés à l’abandon par les membres de la Régie vraiment indépendante pour le travail bien fait furent enjambés pour certains et piétinés pour d’autres. Cela valut quelques injures en langue de bois à l’attention d’Èfdée, qui se soumettait au contrôle de sa carte pour l’uniformisation de l’identité nationale. Indifférent à la cause des pics abandonnés, il ne l’était cependant pas aux nouvelles du jour. À la sortie de l’escalier du métropolitain, un héraut agréé par l’Agence républicaine pour la communication symétrique criait l’actualité qui ne le réjouissait pas. Les mots à la gloire du président qui sortaient de