Les 500 ans du jubé de Villemaur-sur-Vanne

Par Gildas Bernard

Ce livre retrace l'histoire de la collégiale de Villemaur-sur-Vanne. Plusieurs fois ruiné et incendié au cours des siècles, cet édifice abrite un remarquable jubé dont on fête en 2021 le 500e anniversaire. Il s'agit du plus riche et du plus important des jubés de bois subsistants encore en France, alliant des ornements gothiques et Renaissance exceptionnels pour décrire la vie de la Vierge et celle du Christ sur une série de 26 panneaux sculptés.
Le livre est une réimpression d'une communication parue en 1967 dans les Mémoires de la société académique de l'Aube.

• Langue: Français
• Éditeur: Books on Demand
• Date de sortie: 5 juil. 2021
• ISBN: 9782322384020

Gildas Bernard

L'auteur fut pendant plusieurs années directeur des archives départementales de l'Aube (1955-1970) où il développera non seulement des activités importantes pour le service aux lecteurs mais sera aussi à l'origine de la créations de musées à Brienne-le-Château et à Mussy-sur-Seine. La découverte d'archives anciennes sur l'église de Villemaur fut pour lui l'occasion de se pencher sur l'histoire complète du bâtiment et de ses trésors artistiques.

Aperçu du livre

Petite ville, encore ceinturée par le tracé des anciens remparts disparus (Figure 1.1), Villemaur est devenue un bourg sans histoires, mais non sans passé. Incendies et guerres l’ont jadis ravagée. Son église aux murs sobres, au clocher de bois si étrange et, comme on le verra, signe de pauvreté, s’est vue enrichie au XVIe siècle d’un magnifique jubé à la fois gothique et Renaissance, aux scènes imitées de Dürer et de Schon-gauer, et l’abbé Chèvre de la Charmotte, qui en sera pendant de longues années le curé et un doyen à personnalité forte, contribuera à l’enrichir au XVIIIe siècle d’un trésor qui fait aujourd’hui l’admiration de tous. C’est l’histoire de cette ville, de cette église, de son jubé et de son trésor que nous allons essayer de retracer.

1.1 Histoire de la ville : incendies et guerres

Villemaur a subi maintes fois les vicissitudes des guerres et l’incendie. En 1353, les Anglais pillèrent non loin de là l’abbaye de Vauluisant. Les religieux quittèrent l’abbaye et n’y revinrent que quarante ans plus tard.

FIGURE 1.1: Plan du bourg de Villemaur en 1746 (détail). On distingue sur cette carte relativement précise l’emprise des remparts, le pilori en place de la halle, le prieuré Saint-Flavit et la collégiale Notre-Dame. Entre murailles et rivière de Vanne, l’emplacement des ruines du donjon de la « Tour Ganne » est encore marqué et sobrement dénommé par « Motte ». Archives nationales N II Aube IV.

Ces mêmes Anglais s’emparèrent du château d’Aix-en-Othe et de Méry-sur-Seine. Ils brûlèrent Villemaur et les chanoines durent faire des remises à leurs débiteurs, dont les maisons étaient devenues la proie des flammes. Par délibération du 9 mai 1371, les maires et échevins se déclarèrent prêts à vider le pays et songeaient à faire banqueroute pour les dettes qu’ils avaient contractées envers Guillaume de Dormans ¹. Une transaction fut trouvée l’année suivante : les habitants abandonnèrent leur charte de commune de 1231 ² et obtinrent en échange de Guillaume de Dormans, chancelier de France, d’être déchargés de la rente de 170 livres qu’ils lui devaient ³. Quant aux Anglais, ils étaient à Villemaur dès 1360 ⁴ et y étaient encore en 1380 ⁵. En 1431, Barbazan, gouverneur de Champagne pour Charles VII, assiégea Villemaur qui appartenait à l’un des fils du duc de Bourgogne, Charles, comte de Nevers. On ne sait s’il parvint à s’en rendre maitre ⁶, mais en août 1433 les Anglais l’occupent ⁷ et les Troyens viennent les y assiéger le mois suivant ⁸.

Quelques années plus tard (1446) la ville et la collégiale brûlent entièrement ⁹ et quatre ans plus tard (1450), nouvel incendie « casu fortuit » (par hasard) ¹⁰. Les reliques de saint Flavit sont arrachées aux flammes. En 1483, Villemaur est au pouvoir des gens de guerre qui rançonnent le pays ¹¹.

En 1574, nouvel incendie. Courtalon raconte qu’il est arrivé « soit par accident, soit par la malice de quelques huguenots ». Ville et faubourg sont réduits en cendre. « La preuve de cet incendie, écrit-il au XVIIIe siècle, se trouve dans une inscription qui est dans l’église à la croisée du midi vis-à-vis l’autel Saint-Jean : elle est exprimée en ces termes : 1574., le dimanche XXVII juin, le feu fut grandement en ce lieu de Villemaur pour cause de quoi il y eust grande perte pour la ville et les pauvres habitans. Dieu leur soit en aide » ¹².

Vingt ans plus tard, La Châtre commandait àVillemaur pour Mayenne et la Ligue. Le maréchal de Biron, allant vers Troyes, fait avec 3 000 hommes le siège de Villemaur qui est pris le 28 février 1594 : « On y mit le feu. La partie qui descend à la porte de Vanne fut réduite en cendres avec l’hôtel-dieu, la chapelle, la salle des malades et les maisons adjacentes ». La Châtre est fait prisonnier. Après la reddition de Troyes, les Troyens demanderont sa libération