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ZADIE SMITH

Depuis , le roman de son éclosion prodigieuse, les livres de la Britannique Zadie Smith forment un genre littéraire à eux seuls, où le don du rire n’empêche pas d’aborder de graves sujets, où l’accessibilité du style n’interdit pas de savants jeux de structure, et où l’attention portée aux personnages – qu’ils soient un tenancier de pub pakistanais tourmenté par la question du bacon ou un Anglais tenté par le suicide – produit de superbes effets de réalisme. Après avoir été comparée à Salman Rushdie à 24 ans, elle aurait pu dormir sur ses lauriers. Au contraire, elle a continué à travailler, publiant d’autres romans et des essais qui ont fait d’elle une des figures de la gauche intellectuelle anglo-saxonne. Autant dire que l’on n’en mène pas large, au moment de la rencontrer. D’abord parce que Zadie Smith a la réputation de s’ennuyer vite en entretien – tout un début de carrière à être perçue comme l’ambassadrice d’une multi-ethnicité rêvée n’a pas dû arranger les choses. Ensuite parce que son dernier roman, le dickensien , est un monde en soi, fondé sur des personnages et des événements réels, qui parle de justice et de littérature, du statut des femmes dans l’Angleterre victorienne et de celui des Noirs esclaves de Jamaïque, et qui aligne une foule de personnages complexes, tous liés. Voici William Ainsworth, peut-être le pire écrivain de l’Angleterre victorienne, par ailleurs homme très aimable. Voici Frances, sa belle première épouse, qui ignore l’humour mais s’intéresse au sort des esclaves de Jamaïque, ce qui la distingue de l’immense majorité de ses contemporains. Voici Dickens, vampire bonhomme, qui regarde la réalité en quête de sang neuf à infuser dans sa littérature. Et voici Mrs Eliza Touchet, personnage principal, profondément catholique, et cependant bisexuelle, qui couche avec William comme avec Frances, et qui sait, surtout, à quoi la bonne littérature ressemble. Et toute cette petite Angleterre se passionne plus ou moins pour l’affaire Tichborne : la requête d’un homme qui prétendait être un fils de la noblesse anglaise, présumé mort dans un naufrage et réclamant sa juste place, quand d’autres l’accusaient d’être un simple boucher tentant de se réinventer une vie. Or cet homme était soutenu par Andrew Bogle, issu d’une lignée d’esclaves, et dont les dit Zadie Smith – dans le cours du roman comme dans la pensée des lecteurs. Lesquels auront déjà découvert cette époque d’impostures bénignes ou gravissimes qui s’appelait l’ère victorienne. Faut-il s’étonner si Zadie Smith lui trouve bien des ressemblances avec la nôtre ?

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