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JOHN ADAMS

NÉ EN 1947

Girls of the Golden West.

Julia Bullock (Dame Shirley), Davone Tines (Ned Peters), Paul Appleby (Joe Cannon), Hye Jung Lee (Ah Sing), Elliot Madore (Ramon), Daniela Mack (Josefa Segovia), Ryan McKinny (Clarence), Los Angeles Master Chorale & Philharmonic, John Adams.

Nonesuch (2 CD). Ø 2023. TT: 2 h 07’.

TECHNIQUE: 4/5

C’est la Ruée vers l’or en Californie qu’évoquent ces Girls of the Golden West, opéra en deux actes créé en 2017 dont Peter Sellars a rédigé le livret. Trois femmes sont au cœur du récit: Dame Shirley, qui, venue de Nouvelle-Angleterre, décrit dans des lettres à sa sœur lieux et personnages rencontrés; Josefa Segovia, une Mexicaine qui travaille dans un bar et finira pendue; enfin Ah Sing, une Chinoise réduite à la prostitution.

Soprano au grave confortable, Julia Bullock incarne une Dame Shirley optimiste mais lucide sur la violence qui règne autour d’elle. Très énergique (sa Lady Macbeth improvisée, au début de l’acte II!), elle sait aussi se faire à la fois plus posée et intense (Epilogue). Le mezzo profond de Daniela Mack sert le charisme de Josefa Segovia et contraste avec le soprano colorature de Hye Jung Lee, dont la jolie balade s’avère plus sombre et grinçante que légère (acte II, scène 2).

Solide baryton, le mineur Clarence de Ryan McKinny emprunte à Mark Twain une bonne partie de ses considérations. Souvent ivre et agressif, son ami Joe – poignardé par Josefa alors qu’il tente de la violer (acte II, scène 4) – échoit à Paul Appleby, ténor à l’aigu court. Esclave récemment émancipé, Ned a l’aplomb vocal du baryton Davone Tines.

La partition rappelle beaucoup Nixon in China, dont Adams semble de prime abord avoir réédité l’impact orchestral très direct, ses basses marquées, sa fréquente homophonie chorale (ici des chœurs masculins) et ses échos de big band. Pourtant, l’écriture est bien plus sophistiquée et virtuose, plus mobile aussi, constamment reconfigurée entre groupes chambristes – avec quelques touches d’accordéon et de guitare – et tutti puissants. Le discours est volontiers fragmenté ou ajouré, l’ambiguïté rythmique règne sur la pulsation comme la relativité harmonique sur les appuis tonals.

Sous la direction d’un compositeur manifestement attaché à défendre la précision de chaque détail en même temps que la vitalité du flux énergétique, le Los Angeles Philharmonic se montre brillant.

Pierre Rigaudière

JOHANN SEBASTIAN BACH

1685-1750

Concertos pour violon BWV 1041, 1042, 1052R et 1056R. Suite pour orchestre BWV 1068 (Air).

Leonidas Kavakos (violon et direction), The Apollon Ensemble.

Sony. Ø 2023. TT: 1 h 04’.

TECHNIQUE: 3,5/5

Après les Sonates et Partitas (Sony, Diapason d’or, cf. no 709), Leonidas Kavakos nous devait les concertos pour violon de Bach. En voici quatre, dont deux reconstitutions. En bis, l’Air de la Suite pour orchestre BWV 1068 pourra dérouter tant par son ornementation profuse que par son emploi du vibrato, au prix de petites acidités. Ce geste empruntant au baroque mais assumant son ascendance romantique sera donc affaire de goût.

Autre parti pris: l’Ensemble Apollon se limite à un seul instrument par pupitre contre, généralement, deux altos et violoncelles pour trois violons (I et II) – tel était l’effectif retenu par le Concerto Köln pour laisser Giuliano Carmignola poser comme en surplomb son chant âpre et sophistiqué (Archiv, Diapason d’or). Avec une image sonore polarisée sur les cordes graves, l’Allegro du BWV 1052 est un chassé-croisé entre la ligne soliste et celles de ses partenaires, qui ne cessent de s’appeler, se scinder, s’accueillir. D’où cette manière de conduire le propos, sereine mais sans s’effaroucher des virages dramatiques. Ainsi, l’Al legro assai du BWV 1041 qui se livrait capricieusement sous l’archet de Zehetmair (Berlin Classics) inspire à Kavakos une gigue au port altier mais d’un caractère sanguin. S’il paraît peu enclin à virevolter, c’est que le BWV 1042 entend ici nous rapprocher des joies terrestres, solides et franches comme une technique qui ne sent jamais l’effort: quel finale, tout en allégresse détendue!

L’austère Adagio ne permet guère de deviner la part humaine de cette sonorité: elle est à chercher dans le mouvement lent du BWV 1056 que Bach avait songé à placer en ouverture de la cantate Ich steh’ mit einem Fuss in Grabe. « Je me tiens un pied dans la tombe »: d’autres grands avocats de Bach ont préféré garder hors-champ cette fragilité. Kavakos nous y confronte et nous en fait les confidents.

Marc Lesage

« Köthen, The Happy Years ». Suites anglaises BWV 808, 810, 811. Fantaisie chromatique et fugue BWV 903. Concerto BWV 984. Concert brandebourgeois BWV 1050*. Amore traditore BWV 203**.

Benjamin Alard (clavecin), Marc Mauillon (baryton)**, Sien Huybrechts (traverso), Anne Pekkala, Paul Monteiro (violons), Samantha Montgomery (alto), Ronan Kernoa (basse de violon)*.

HM (2 CD). Ø 2023. TT: 2 h.

TECHNIQUE: 4/5

Avec ce neuvième volume, Benjamin Alard arrive à mi-parcours de son intégrale de l’œuvre pour clavier de Bach. Il y poursuit l’exploration des œuvres composées durant la période de Köthen, « années heureuses » à en croire le sous-titre. C’est pourtant dans une atmosphère saturée de drame que nous plonge d’emblée la Fantaisie chromatique et fugue BWV 903, ici sobre et concentrée, moins fulgurante que celle de Pierre Hantaï (Virgin, 1998), pas moins éloquente. D’humeur plus légère, le rare Concerto BWV 984, d’après un original pour violon signé Johann Ernst de Saxe-Weimar, trouve ici sa référence, loin du scolaire Peter Watchorn (Hänssler, 2000) ou de la timide d’Elizabeth Farr (Naxos, 2009).

La concurrence est autrement relevée pour les trois Suites anglaises. L’approche d’Alard équilibre spontanéité et finesse (Passepieds de la BWV 810), avec parfois une pondération excessive (Préludes des BWV 808 et 810 trop sur leur quantà-soi). Le nouveau venu tourne le dos à l’éclat d’un Christophe Rousset (Ambroisie, 2003) ou à l’ampleur d’un Pascal Dubreuil (Ramée, 2013). La manière évoque plus souvent Gustav Leonhardt, avec un rien de souplesse en sus, comme en témoigne l’Allemande de la BWV 811 aux ondoiements subtils.

Malgré un clavecin alerte et maîtrisé, le Concert brandebourgeois no 5, abordé ici en formation réduite, souffre des sonorités rêches des violons; Christopher Hogwood, avec les mêmes effectifs, séduisait bien davantage (L’Oiseau-Lyre, 1985). Dans Amore traditore, Marc Mauillon peine à entretenir la flamme et la cantate s’en tient à une grisaille proprette.

Jean-Christophe Pucek

Passion selon saint Matthieu (version de Mendelssohn).

Clara Rottsolk (soprano), Luthien Brackett (mezzo-soprano), Dann Coakwell (ténor), Isaiah Bell (ténor), William Sharp (baryton), Enrico Lagasca (basse), Bach Choir de Bethlehem, Bach Festival Orchestra, Christopher Jackson. Analekta (2 CD). Ø 2023.

TT: 2 h 05’.

TECHNIQUE: 2,5/5

Difficile d’imaginer le destin de la Passion selon saint Matthieu de Bach sans sa redécouverte par Mendelssohn qui la dirigea à Berlin en 1829 puis à Leipzig en 1841. Reprises pour lesquelles il intervint en profondeur dans la partition, amputée de presque un tiers (une dizaine de chorals, récitatifs et arias furent ainsi supprimés pour amplifier la charge dramatique de l’œuvre). Il modifia l’instrumentation (des clarinettes se substituent aux hautbois d’amour ou de chasse, par exemple dans « O Schmerz »), et redistribua certains airs (« Erbarme dich » est chanté par la soprano)…

Christopher Jackson ne parvient pas à nous convaincre de l’intérêt qu’il a à faire entendre ces réaménagements auxquels s’ajoutent d’ailleurs les siens. L’irruption du pianoforte dans les récitatifs provoque une surprise qui brise toute tentative de fluidité. Ce qu’accentue encore le Jésus de William Sharp dont le vibrato systématique et non maîtrisé laisse sans cesse planer le doute sur la note chantée autant que sur le phrasé. On admire en revanche l’Evangéliste éloquent de Dann Caokwell et la simplicité touchante de Clara Rottsolk (« Aus Liebe will mein Heiland sterben »). Les chœurs pâtissent quant à eux d’une prise de son qui, en voulant créer des effets de spatialisation, les exagère et isole les individus (l’écoute est même parfois pénible, comme à 3’ 30’’ dans « Kommt ihr Töchter, helft mir klagen »).

Le chef impose à l’orchestre une opulence désuète, voire grossièrement excessive (« Gebt mir meinen Jesum wieder »). Mieux vaut donc oublier cette Passion, ni de Bach, ni de Mendelssohn, et revenir à Karajan (DG, 1973) ou Harnoncourt (Teldec, 2000). Les curieux retourneront, pour entendre la version 1841, à Jan Willem De Vriend et l’Orchestre symphonique des Pays-Bas (Challenge, 2014), plus cohérents, ou, sur instruments anciens, à Christoph Spering et Das neue Orchester (Opus 111, 1992).

Adrien Cauchie

« Transcriptions pour piano à quatre mains par Reger ». Passacaille BWV 582. Les six Concertos brandebourgeois. Les quatre Suites pour orchestre. Prélude et fugue BWV 522.

Evelinde Trenkner, Sontraud Speidel (piano à quatre mains).

MDG (4 CD). Ø 1995 à 2000. TT: 4 h 12’.

TECHNIQUE: 4/5

MDG rassemble deux doubles albums, respectivement parus en 1996 et 2000, consacrés à des transcriptions de Bach pour piano à quatre mains. Max Reger a su transformer ces travaux alimentaires, dont le but était de diffuser la musique du Cantor auprès d’une bourgeoisie cultivée, en une réflexion sur l’interprétation de la musique ancienne, qu’il souhaitait vigoureuse, « de chair et de sang ». Ses nombreuses indications donnent l’occasion, comme l’exprime le producteur Werner Dabringhaus, « de découvrir de manière immédiate sous quel angle de vue la fin du XIXe siècle avait jugé le grand compositeur baroque ».

En fait de XIXe siècle, le duo Trenkner-Speidel semble prendre surtout pour modèle le Bach d’Otto Klemperer: du Bach dynamique de l’entre-deux-guerres au Bach momifié des années 1960. Des basses de bûcheron scandent une mesure impavide dans le Concerto brandebourgeois no 1, avant que petit à petit se dévoile la finesse du travail des deux pianistes, et la vie qu’elles installent. Cette vie est moins rythmique que contrapuntique: un fascinant jeu de lignes, entremêlées et démêlées avec une virtuosité qui éclate dans le finale du no 3 et dans les deux mouvements initiaux des nos 4 et 5.

Si les œuvres pour orgue apparaissent trop uniment monumentales, la transcription des Suites pour orchestre donne la pleine mesure du talent du compositeur bavarois et de ses interprètes. La célèbre Badinerie est une gourmandise à laquelle on devient vite accro. Tout sauf « historiquement informé », ce Bach est celui qui, du piano au phono, de Reger à Klemperer, Karl Richter ou Karajan, entrait au siècle dernier dans le quotidien des familles et leur faisait aimer la musique « classique ».

Paul de Louit

BELA BARTOK

1881-1945

La musique pour piano, Vol. IX. Sonate pour piano op. 19. Lajos valczer. Gabi Polka. Ländler no 2. Valtozo darab.

BARTOK/RESCHOFSKY: La Méthode de piano.

Goran Filipec (piano).

Naxos. Ø 2023. TT: 55’.

TECHNIQUE: 3/5

Un Bartok aux élans brahmsiens, voilà ce que réserve le neuvième volet d’une intégrale que le regretté Jenö Jando n’aura pas eu le temps de poursuivre audelà du septième. Sortie de la plume d’un étudiant de dix-sept ans, demeurée inédite et à l’état de manuscrit, la sonate de 1898, est traversée d’effluves romantiques. Son premier mouvement, un Allegro à l’enthousiasme un peu bavard, s’apparenterait plutôt à Schumann. L’Adagio creuse, non sans grandiloquence, une veine passionnée. Le Presto prend les contours d’un scherzo méphistophélique franchement brahmsien, jusque dans son sinueux trio. Mieux que Barbara Nissman (Pierian), Goran Filipec restitue l’ardeur du discours, notamment dans le finale où résonne de manière vivace l’empreinte de Brahms.

Quatre danses griffonnées entre l’âge de neuf et douze ans révèlent quelques juvéniles essais dans le domaine de la composition. La Méthode de piano (plus tard en partie incorporée dans The First Term of the Piano) fut conçue en 1913 en collaboration avec Sandor Reschofsky (1887-1972). Ce dernier, fixant le cadre général et élaborant les exercices, laisse à son confrère le soin d’écrire quarante-huit pièces évidemment scolaires. Pour les enfants et différents cahiers de Mikrokosmos montrent l’attachement que Bartok portait à la pédagogie. La difficulté et l’intérêt qui en découle s’amplifient au fil du recueil: les dernières, dans le style ancien ou se basant sur des chants folkloriques, conjuguent une belle ampleur expressive avec une extrême concision. Autant de curiosités à réserver aux fervents bartokiens.

Bertrand Boissard

LUDWIG VAN BEETHOVEN

1770-1827

Quintette pour piano et vents. MOZART: Quintette pour piano et vents.

Martin Qvist Hansen (piano), Ensemble Midtvest.

Novantiqua. Ø 2022. TT: 51’.

TECHNIQUE: 3/5

Ecrit en mars 1784, dans la foulée des Concertos pour piano nos 15 et 16, et achevé trois jours avant sa création, le Quintette KV 452 est l’unique partition pour piano et vents que laisse Mozart. Ce dernier voyait en elle « la meilleure œuvre qu’[il ait] jamais composée », confidence qui donne son titre à l’album. L’ensemble suédois Midtvest y mise sur l’équilibre en veillant précautionneusement à la balance entre les instruments et à la pondération du discours. La captation (dans une église) cherche de même un compromis entre attaque et résonance. Nonobstant le toucher sensible du pianiste et les timbres agréables des souffleurs, la phrase manque de ligne et le tout de caractère.

Dans l’Opus 16 de Beethoven, les interprètes s’affirment davantage, à la fois plus lyriques (Andante cantabile) et intenses (Rondo). Le premier mouvement voit Martin Qvist Hansen déployer une virtuosité impeccable tandis que ses partenaires chantent à loisir. Pour autant, leur version n’atteint pas la clarté de Jörg Demus (DG, 1969) ou la vivacité enjouée de Stephen Hough (Bis, 2004) avec les Berlinois, sans parler de l’intériorité de Radu Lupu avec les Amstellodamois (Decca, 1984), pour s’en tenir aux versions sur instruments modernes.

 Bertrand Hainaut

LUCIANO BERIO

1925-2003

Folk Songs. RENS: Onze Folk Songs d’ici et d’ailleurs.

Albane Carrère (mezzo-soprano), Ensemble21, Marc Collet.

Cypres. Ø 2023. TT: 59’.

TECHNIQUE: 2/5

Jean-Marie Rens (né en 1955) a calqué sur l’effectif des de Berio (version originale de 1964 pour voix, flûte, clarinette, harpe, alto, violoncelle et deux percussions) ses propres , à l’origine pour voix, flûte, violoncelle et piano.

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