Laelia Benoit est pédopsychiatre et sociologue au Child Study Center, à l’Université de Yale, et chercheuse associée au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) à l’Inserm.
SARAH BERGER : Vous êtes la première en France à utiliser ce terme d’« infantisme », pouvez-vous nous expliquer son origine ?
LAELIA BENOIT : C’est une proposition de traduction que j’ai faite à partir du terme childism, utilisé dès les années 1970 aux États-Unis et remis au goût du jour, ces dernières années. En anglais, childism est autant utilisé pour parler des préjugés envers l’enfant que pour évoquer le mouvement de soutien à leur égard. En traduisant en français, je propose d’éviter cette confusion en distinguant « infantisme », pour parler des discriminations contre les enfants, d’« enfantisme », qui est un terme se référant à la lutte en leur faveur. La même distinction peut être faite entre les termes « sexisme » et « féminisme ».
S. B. Dans votre livre, vous montrez que l’infantisme est une discrimination systémique, tout autant au niveau individuel qu’à l’échelle collective et sociétale.
Ma démarche est axée sur la discrimination sociétale, et complète les travaux d’Elisabeth Young-Bruehl, psychanalyste au Child Study Center, qui, elle, l’étudie dans sa dimension individuelle, intime, jusque dans les ressorts inconscients. Elle distingue trois formes d’infantisme. L’infantisme narcissique, lorsque les adultes estiment que les enfants représentent un pouvoir menaçant le leur. L’infantisme hystérique, quand