u diable les régimes, le sport en salle et les injections de Botox tous azimuts. A l’heure où nos confrères ne parlent plus que de , L’Express propose une contre-programmation : et si la lumière se trouvait dans la large palette de la laideur plus que dans une prétendue beauté normative ? A priori, personne ne rêve de mesurer 1,52 mètre comme Toulouse-Lautrec ou d’être atteint d’hirsutisme comme la femme à barbe Jane Barnell (vue dans le film culte de Tod Browning) – au moins ont-ils laissé tous les deux une marque dans l’histoire quand tant de play-boys lisses sont tombés dans l’oubli. Si Dostoïevski écrivait, dans , que « la beauté sauvera le monde », il faut rappeler un épisode de sa vie pour comprendre ce qu’il voulait dire. A la fin de son (Perrin), Pierre-Louis Lensel évoque les quatre années que le jeune Dostoïevski a passées au bagne d’Omsk. Dans un froid polaire, au milieu des cafards, des puces et des poux, il est malmené par d’autres détenus. Et pourtant, comme il le note dans une lettre à son frère Mikhaïl : « Même au bagne, parmi les bandits, j’ai fini, en quatre ans, par distinguer des hommes. Me croiras-tu : il y a des caractères profonds, forts, magnifiques, et quelle joie de découvrir, sous l’écorce grossière, de l’or ! Et pas un ni deux, mais plusieurs. Certains forcent le respect, d’autres sont décidément magnifiques. » Lensel voit dans cette expérience un écho à la phrase de saint Paul : « Là où le péché abonde, la grâce surabonde. » Si la laideur est une extrémité, elle n’est pas une fin, et peut déboucher sur une forme de beauté. Victor Hugo ne pensait pas autrement, lui qui était capable de valoriser des personnages tels que le bossu Quasimodo (dans ) ou l’innocent défiguré Gwynplaine dans . Lensel s’inscrit dans ce sillage, défendant dans son livre en forme de galerie de portraits à la fois Toulouse-Lautrec et Jane Barnell mais aussi Madame Palatine, la gueule cassée Albert Jugon, Mickey Rooney, Sainte-Beuve, Jeanne de France, Klaus Nomi, Danton, Anne de Clèves et le roi prognathe Charles II.
La laideur sauvera-t-elle le monde?
May 15, 2024
5 minutes
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