Ils voient autrement, entendent des bruits qui nous sont inaccessibles, touchent le passage d’une proie, et peuvent même ressentir un obstacle en lançant des décharges électriques ! Qu’ils soient mammifères, insectes, poissons ou oiseaux, les animaux perçoivent le monde d’une manière qui leur est propre, en fonction de la subtilité de leurs sens – qui ne sont pas cinq, mais onze. À quoi ressemble-t-il, ce monde ? À grand renfort d’études éthologiques – et d’un peu d’imagination – les chercheurs commencent à le décrire. Un tableau qui gagne à être exploré… mais aussi préservé.
TOUCHER LES MICROTURBULENCES
Voilà un sens sous-estimé. Pourtant, toute une batterie de mécanorécepteurs – des cellules nerveuses sensibles aux déformations, pressions, étirements et autres vibrations – régit le toucher. Leurs signaux se combinent ensuite pour informer l’animal de la texture de ce qui l’entoure. Chez nous, c’est dans les doigts que ces capteurs sont les plus nombreux et donc que ce sens est le plus acéré. Notre toucher est aussi dopé par le mouvement : il nous permet, en glissant les doigts sur un évier, de sentir s’il est propre ou sale via la détection d’aspérités. Mais dans le règne animal, certains touchers sont incomparables au nôtre… Déjà, la majorité des espèces sont dépourvues de mains et touchent avec d’autres organes.
Les becs de certains oiseaux sont ainsi bourrés de mécanorécepteurs, notamment ceux qui fouissent dans la vase comme le bécasseau maubèche. Et sa sensibilité nous est inconcevable : cette espèce détecte des coquillages par les seuls changements de pression de l’eau déplacée par son bec ! Beaucoup de mammifères sont aussi dotés de vibrisses – les “moustaches” du chat –, des poils associés à des mécanorécepteurs. Elles leur permettent de détecter des mouvements ténus de l’air et de l’eau, et se révèlent souvent