PHILOSOPHIE
Depuis leur émergence à la fin des années 1990, les sites de rencontre ont leurs détracteurs. Laisser le soin à un algorithme de rapprocher deux individus, n’est-ce pas le meilleur moyen de désincarner l’amour, de le dépouiller de toute spontanéité en troquant le délice de ses voies mystérieuses pour un rapprochement froidement calculé ? Dans, Claire-Lise Gaillard montre – n’en déplaise aux romantiques invétérés – que Cupidon n’a pas attendu l’avènement d’Internet pour faire de son art un business. Loin de l’image d’Épinal du coup de foudre entre deux êtres soudain seuls au monde, l’historienne fait valoir, en s’intéressant notamment à la presse des petites annonces et aux agences matrimoniales, que la rencontre est fondamentalement un fait social construit et une affaire d’intermédiaires. Déjà, au XIXesiècle, ce marché faisait l’objet de tous les fantasmes et soupçons, offrant à la littérature de nouveaux personnages hauts en couleur et à la société la crainte d’une corruption des mœurs. Souvent tabou dans les familles, le recours aux agences ou aux annonces a pourtant connu un succès qui nous renseigne sur les représentations et aspirations, individuelles comme collectives, qui entourent le mariage.