Le 1er février dernier, Delphine Arnault pénétrait dans son nouveau bureau de présidente-directrice générale de Dior. En deux décennies, elle a gravi les échelons de l’empire LVMH, bâti par son père. L’aînée et l’unique fille de Bernard Arnault est désormais, à 47 ans, aux commandes du navire amiral. Ce matin-là, elle devenait la première femme à prendre la tête de la maison fondée il y a soixante-dix-sept ans par Christian Dior, qui allait changer à jamais la façon dont les femmes rêvent leur vie.
Peu après, Delphine appelait son ami Larry Gagosian à New York : “Larry, j’ai un grand bureau. Mais on s’y sent drôlement seule !” Être membre de la famille Arnault a bien des avantages, mais n’exclut pas une certaine forme d’isolement. Soudés et discrets, les cinq enfants Arnault sont dans le viseur du public depuis que le patriarche leur a confié, par le biais d’une holding dont ils détiennent chacun 20 %, la responsabilité de l’avenir de LVMH. “Quand on grandit dans une famille connue, on n’a pas droit à l’erreur”, admet Antoine, le frère de Delphine.
Je la rencontre pour la première fois sept mois après le début de son règne, dans l’atelier parisien de la directrice artistique de Dior, Maria Grazia Chiuri. Sa silhouette longiligne, la finesse de ses traits et sa réserve naturelle masquent un sangfroid à la hauteur de son (presque) mètre quatre-vingt. Delphine m’accueille en tailleur-pantalon Dior marine, les mains dans les poches. Nous sommes à la veille du défilé printemps-été 2024. Trois sièges en cuir noir sont disposés face à un décor rose et jaune éclatant. Les mannequins vont et viennent, de petits ajustements sont faits, on réfléchit aux accessoires. Des fraises et des framboises sont disposées devant nous. Maria Grazia, en jean et pull noir, s’assoit à côté de Delphine avec son petit caniche gris. Une couleur de circonstance, notent-elles en souriant. “C’est le gris Dior”, précise sa maîtresse.
En 1947, Christian Dior disait quelque chose de la vie des femmes, de leur avenir, de leurs espoirs au sortir de la guerre. Aujourd’hui, pour la première fois, deux femmes dirigent la maison et elles écrivent une nouvelle histoire, bien de son temps. C’est à ce duo de mères très occupées qu’il revient de déterminer ce que
