En ce début novembre 1917, les Anglais sont un peu soulagés. Après de longs combats, ils viennent de percer les lignes ottomanes à la bataille de Beersheba, assurant ainsi la protection du canal de Suez, passage indispensable à leur précieuse route des Indes, et entament une progression éclair vers Jérusalem. Mais ils ont pris toute la mesure du danger que pouvait représenter une puissance hostile en Palestine. Alors, pourquoi ne pas tenter d’intégrer la Terre sainte à l’Empire ? Le 3 novembre, Lord Balfour, secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, annonce dans une lettre ouverte que son gouvernement se montre favorable à la création d’un Foyer national juif en Palestine. Voilà qui ne manque pas de surprendre, compte tenu du désintérêt complet exprimé jusqu’alors par les autorités britanniques envers le mouvement sioniste, considéré comme un mouvement politique marginal. Et puis la déclaration ne manque pas d’aplomb : voilà donc le Royaume-Uni s’apprêtant à disposer d’un territoire qui ne lui appartient pas, au mépris des dispositions des accords Sykes-Picot signés l’année précédente qui prévoyaient l’internationalisation de la Palestine et qui revient sans vergogne sur l’engagement pris devant les Arabes d’un vaste royaume englobant l’essentiel des provinces arabes de l’Empire ottoman. Mais après tout les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Balfour a beau spécifier que « rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives », les Arabes de Palestine ne sont même pas nommés et se voient dénués de tout droit politique.
PROSIONISME BRITANNIQUE
raconte Eugene Dans ce contexte de guerre totale sans relâche, les motifs pour revenir sur la parole donnée ne manquent pas. Tandis qu’à l’Ouest les armées alliées s’enlisent dans la boue des tranchées, à l’Est, la révolution de 1917 fait craindre un désengagement de la Russie. En se montrant favorables au mouvement sioniste, les Anglais espèrent que les Juifs du gouvernement provisoire Kerenski favorisent en retour la poursuite des combats. Par ailleurs, il devient urgent de s’assurer du soutien financier des banquiers juifs américains. De par leurs origines, leurs affinités vont plutôt aux puissances centrales, mais un soutien affiché aux ambitions sionistes pourrait bien les rallier à la cause des Alliés.