Dédié àla mémoire d’Ernest Sussman, amateur d’art et ami personnel d’Henri Dutilleux, Ainsi la nuit pour quatuor àcordes est composé entre 1971 et 1977 pour honorer une commande de la Fondation Koussevitzki. Il a pour destinataires les Juilliard, qui en assurent la première audition américaine àWashington le 13 avril 1978. Mais il est créé par les Parrenin le 6 janvier 1977 au Théâtre de l’Est parisien, dans le cadre de la saison de concerts de l’Ensemble 2e2m.
Soirée inoubliable: l’ambiance est attentive, puis électrique, avant un immense succès, auprès du public comme du Tout-Paris musical réuni pour la circonstance. L’œuvre, fait rarissime, est bissée. Si elle provoque chez quelques-uns stupéfaction et réticences (rapidement dissipées), cette plongée dans un monde onirique et visionnaire s’impose avec force, suscitant l’enthousiasme des compositeurs les plus « avancés » de l’époque (dont le très jeune Philippe Manoury).
Vertige des limites
« Ce ne sera pas un quatuor dans la tradition beethovénienne ou dans celle de Bartok… Je le souhaite concis. Il y aura plusieurs mouvements, mais fondus en une seule partie. J’utiliserai toutes les possibilités de timbre », avait prévenu Dutilleux durant la genèse de son œuvre. Ce qui sera son unique quatuor àcordes fut d’abord conçu comme une série d’études isolées,puis réunies sous le titre de . Totalisant une durée d’environ dix-sept minutes, la version définitive s’articule en sept mouvements assez courts, enchaînés: , , , , , , . Après une introduction (), les cinq premiers sont reliés par des transitions appelées , souvent très brèves et faisant allusion àce qui suit ou précède. Le matériau sonore, aux couleurs violemment contrastées et aux subtiles variétés de timbre, suscite des passages très sombres, de brusques élans et éclats lumineux, des accalmies sereines ou d’étranges et subites phases de paroxysme.