mais je vois quelqu’un qui a disparu, totalement. C’est affreux. Enfant, on a l’impression que le temps n’existe pas… qu’il est infini. Mais on s’aperçoit, adulte, que la vie passe vite et que cette sensation d’éternité que nous avions est… Bon, mais je n’arrive pas à fixer ma mémoire, tout est un peu embrouillé. Mon souvenir le plus ancien, celui que je peux dater au carbone 14, c’est un souvenir d’humiliation, en maternelle. Un cadeau de fête des mères raté. Un truc assez sommaire, en termes d’artisanat : un cadre photo, avec des lanières de papier. J’avais pleuré contre le mur de l’école… Mais sur cette photo ? Je dois être tout près de là où j’ai grandi, en Saône-et-Loire, pendant les vendanges, que j’adorais car il y avait une ambiance extraordinaire pour un petit garçon à la campagne, avec plein de gens nouveaux qui arrivaient, d’un coup. Je suis né en 87, mes parents, en 45, ils m’ont adopté… attendez… je n’ai pas honte… je sors la calculette… à 42 ans. Et il n’y avait pas beaucoup d’enfants dans notre tout petit village. Je passais mes vacances en Bresse, chez ma tante et mon oncle. Mes parents avaient aussi des copains marrants – les Tondoux, les Louveton, les Michaudet –, qui étaient pour moi comme des cousins et chez qui j’aimais aller, mais ça, c’était les samedis et plutôt rare. Le reste du temps, nous étions tous les trois. À expédier nos repas en dix-sept secondes mais très heureux, hein ! C’est juste que mes parents devaient retourner travailler. Notre maison donnait d’un côté sur le château où ils ont fait toute leur carrière – une école pour enfants inadaptés – et de l’autre, sur le cimetière. Je les ai souvent entendus dire qu’ils passeraient Pas du tout macabre, comme esprit. Mais, un peu, comme ça… ironique. L’esprit Dedienne. »
la photo d’enfance de Vincent DEDIENNE
Nov 08, 2023
1 minute
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