TROIS HOMMES ET UNE ZELDA
Nanténé, Vincent, Arkadiy et Zelda.
Pour Zelda, c’est simple, elle a trois pères qui l’aiment et qu’elle aime: Nanténé son “Papou”, Vincent son “Papa”, et Arkadiy qu’elle appelle par son prénom. C’est juste le monde extérieur qui est parfois trop bête pour le comprendre, selon la fillette de 5 ans.
C’est Nanténé qui l’a portée dans son ventre, alors qu’il n’a jamais voulu avoir d’enfant. Aîné de sa fratrie, le jeune artiste trans avait eu l’habitude de jouer au parent suppléant, et trouvait d’abord sa vie trop dissolue pour la donner à son tour. En 2015, son compagnon meurt tragiquement, ce qui lui inspire le recueil La Nuit t’arrache à moi (publié aux éditions Gorge bleue en 2022). Fin 2017, alors qu’il rendait visite à New York à son meilleur ami, la mort de son beau-père le fait précipitamment rentrer en France. Là, le hasard et peut-être la quête de familiarité le fait recontacter un de ses ex, Vincent, artiste à qui il commande un fanzine. De fil en aiguille (pas encore de testostérone), ils se remettent ensemble, et Nanténé tombe rapidement enceint: “J’étais si certain qu’il serait un bon père que je me suis dit que ce n’était peut-être pas le moment idéal, mais en tout cas, c’était avec la bonne personne que ça tombait. Il avait 24 ans, moi 25, et on savait qu’on pouvait compter sur le soutien de nos familles respectives.” Ce n’était pas un accident, mais un imprévu qui tombait bien.
L’occasion faisant le larron, Nanténé donne naissance à Zelda en décembre 2018: “Pendant la première année de ton enfant, tu n’as pas vraiment d’existence propre. Je l’ai allaitée durant neuf mois, elle rythmait mes jours et mes nuits. Mes douches, c’était le maximum de temps de selfcare que je me trouvais.” À partir de la deuxième année de sa fille, Nanténé a commencé à militer, à rencontrer de plus en plus de personnes queers, et à affirmer son identité de genre et sa sexualité. “Durant toute ma grossesse, on était en couple avec Vincent. À un moment on a cessé de se promettre l’exclusivité, et puis on s’est séparés officiellement au premier confinement en mars 2020 sans rompre vraiment, puisqu’on s’est quand même confinés ensemble chez ses parents à la campagne avec Zelda, en très bonne entente. Je me souviens d’une conversation avec mon père, alors que je lui confiais combien je craignais que notre rupture n’affecte “Zouzou“. Il m’a rassuré en me disant: “Vincent et toi êtes assez intelligents et vous vous aimez suffisamment pour continuer à faire équipe autrement.” Et c’est vrai : on s’aimera toute notre vie, juste plus de manière romantique. Finalement, ce n’est pas juste pour Zelda, c’est aussi pour nous.”
Leur enfant a toujours disposé de plusieurs figures parentales pour s’occuper d’elle, que ce soit les parents de Vincent, mais aussi des amis de ses parents que Zelda appelle “tonton” ou “tata” allègrement. Mais maintenant dans l’histoire, il y a un troisième coparent : c’est Arkadiy, le compagnon de Nanténé depuis maintenant trois ans qui habite tout près. “Le fait que je vive avec mon ex pourrait paraître étrange aux yeux de plein de gens, mais c’est très fluide pour Zouzou, Arkadiy et Vincent. On envisage même de trouver une maison pour qu’on puisse vivre tous les quatre sous le même toit.” Arkadiy s’en réjouit aussi: “Je m’entends super bien avec Zelda, c’est une chance de rencontrer quelqu’un si tôt dans sa vie, de la voir s’épanouir. Vivre sous le même toit facilitera les choses niveau logistique et matériel, ça fera moins de contrainte d’espacetemps. Rencontrer et aimer Zelda me réconcilie avec l’idée de famille. Dans la communauté queer, nombreuses sont les personnes en rupture avec des personnes qui partagent le même sang qu’elles, et en réponse à cela, on a tendance à beaucoup valoriser le concept de ‘famille choisie’, dans lequel je ne me retrouvais pas forcément. Rencontrer Nanténé, Zelda et Vincent tend à me réconcilier avec tout ça. Ce dernier s’est toujours montré ouvert et bienveillant avec moi. Même moi qui ne voulais pas d’enfant, je commence à envisager d’en faire.”
Ces trois coparents ont pour point commun de particulièrement tenir à cultiver l’autonomie, l’estime et le libre arbitre
