Y a-t-il eu dans l’histoire moderne de la France un sondage à même de déclencher autant de débats enflammés, autant de commentaires et de reprises médiatiques ? On peut en douter. Ce Top 50 IFOP-JDD aura constitué, dès la fin des années 80 et jusqu’à ce jour, un véritable révélateur de la société française. À son origine, Jean-Luc Parodi (1), docteur en science politique, pionnier des enquêtes par sondage en France. Il incarnait le savoir et la culture, la bienveillance et une élégante discrétion. Le JDD eut la chance de bénéficier, entre 1983 et 2014, de l’expertise de celui qui vendit l’idée de ce classement au très jeune directeur de la rédaction, Alain Genestar. Sa méthodologie est simple. L’étude réalisée par l’IFOP pour le JDD est effectuée sur un échantillon d’environ 1 000 personnes représentatives de la population française de 15 ans et plus devant répondre à la question : quelles sont parmi les personnalités françaises suivantes les 10 qui comptent le plus pour vous et que vous trouvez les plus sympathiques ?
1. Le commandant Cousteau et l’abbé Pierre
LES ICÔNES
Dimanche 28 février 1988. C’est le premier Top 50 qui fait l’objet d’une annonce à la « Une » et occupe toute la dernière page du JDD. Yves Mourousi, lui-même classé 35e et qui vient de présenter son dernier, Bernard Pivot de, François Mitterrand , Jean-Paul Belmondo de, Michel Drucker de , Yves Montand de, Robert Hossein de, Michel Platini, Anne Sinclair deet Bernard Tapie . La légende du commandant Cousteau est née trente ans plus tôt, en 1956, grâce à un documentaire-culte,, réalisé avec Louis Malle, qui obtint la Palme d’or à Cannes. Pour la première fois, le public découvrait les fonds marins. Un monde neuf. Depuis, Cousteau ne cesse de parler de la mer, de la filmer dans toute sa beauté, et d’évoquer le contrat qu’elle a passé avec l’humanité. De même qu’en créant la Fondation Cousteau, le commandant lutte contre la faim dans le monde, la surpopulation de la planète et la destruction de l’habitat marin. Entre février 1988 et septembre 1996 – il mourra l’année suivante –, Cousteau occupera 20 fois la première place du Top 50 sans jamais faire pire que deuxième. Son seul rival, si l’on ose dire, aura été l’abbé Pierre qui, lui aussi, fut de tous les combats dès lors qu’il considérait que l’humanité était en danger : logement, faim, travail, santé, éducation… Véritable icône de la solidarité en France, avec la communauté d’Emmaüs qu’il a fondée – le nom d’Emmaüs est celui d’une localité de Palestine où Jésus réapparut aux apôtres après sa crucifixion –, la plus grande force de l’abbé fut d’avoir su transformer son indignation en insurrection. De mai 1989 à juillet 2003, pas un Top 50 sans l’abbé sur le podium avec 16 premières places. Mais il n’y a pas de miracle. Si l’abbé emporte l’adhésion générale, c’est bien parce qu’il ne divise jamais. Depuis son coup de colère de l’hiver 1954, quand il lança son appel en faveur des sans-abris et des déshérités, jusqu’à sa mort en janvier 2007, il a incité à la révolte sans jamais pointer de coupable, évitant ainsi de monter les Français les uns contre les autres. Et puis, ce béret, cette voix chevrotante, cette coupe de cheveux… Roland Barthes le qualifiera. L’abbé ne descendra de la première place, à sa demande, que pour laisser l’honneur à deux sportifs, Zinédine Zidane et David Douillet, de figurer sur la plus haute marche du podium. Double champion olympique de judo en 1996 et 2000, parrain depuis 1997 de l’opération « Pièces jaunes » présidée par Bernadette Chirac, Douillet, doux géant, avouait son bonheur en décembre 2000 et juin 2001 :