La catastrophe climatique estelle inéluctable ? Les religions vont-elles reculer ou renaître ? L’invasion de l’Ukraine inaugure-t-elle une nouvelle ère guerrière ? Faut-il avoir peur de l’IA ? Sur ces questions, et sur d’autres, le Canadien Steven Pinker, l’un des penseurs actuels les plus clairs et les plus pédagogues, nous livre son regard prudemment optimiste. Passionnant.
Avant de parler d’avenir, quels ont été, selon vous, les changements les plus importants des soixante-dix dernières années ?
Steven Pinker L’un des faits majeurs, c’est que la guerre est devenue « illégale » : l’idée s’est imposée que le phénomène pourrait et devrait être éliminé. Bien sûr, cette éradication n’est pas chose aisée : on le voit aujourd’hui avec la Russie. Cette dernière a transgressé la norme contemporaine qui bannit les guerres de conquête. Mais pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, ce consensus contre la guerre existe.
Cela dit, la plus grande évolution des soixantedix dernières années est ailleurs : je pense aux améliorations remarquables en matière de santé, de longévité, de nutrition, ainsi que le déclin de la mortalité infantile et maternelle. L’espérance de vie mondiale a pratiquement doublé, passant de 46 ans au début des années 1950 à plus de 70 ans aujourd’hui. Ce qui veut dire qu’en moyenne, les humains bénéficient « d’une vie en plus ».
L’historien britannique Arnold Toynbee a prédit qu’on se souviendrait du xx siècle, non pour ses innovations technologiques, ses guerres ou ses catastrophes, mais parce que l’humanité s’est donné pour objectif l’amélioration de l’ensemble de l’espèce humaine. Historiquement, c’est une aspiration sans précédent. L’essor du christianisme, qui a promu un salut universel, est peutêtre ce qu’il y a eu de plus proche… Mais il s’agissait alors de sauver les âmes, et non les