Gilles Kepel est notre grand spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain. Pour L’Express, l’auteur du récent Prophète en son pays (L’Observatoire) analyse l’impact historique de l’attaque meurtrière du Hamas, les motivations de son protecteur iranien, la lutte pour l’hégémonie sur l’islamisme, et les conséquences géopolitiques de ce « 11 Septembre israélien ».
Quelle place l’attaque sanglante du Hamas laissera-t-elle dans l’Histoire ? Pour vous, il faut la comparer au 11 Septembre…
Gilles Kepel Cette attaque du Hamas a exposé la faiblesse d’Israël, comme le 11 Septembre avait exposé la faiblesse de l’Amérique. Elle a aussi ravivé l’imaginaire de la razzia. On pénètre chez l’ennemi, on tue ses hommes, on prend les femmes et les enfants, on fait des otages qu’on ramène comme des butins. C’était le principe même du 11 Septembre, qui se dit « double razzia bénie » en arabe, c’est-àdire sur New York et Washington. On commet un acte spectaculaire, puis on se retire, pour éviter de pâtir d’un retournement éventuel du rapport de force. Et dans les deux cas, il y a eu un effet de sidération mondiale, qui s’inscrit dans une compétition entre islamismes sunnite et chiite pour l’hégémonie sur l’islamisme politique.
Le 11 Septembre avait répondu à deux nécessités. Il fallait d’abord effacer l’échec des djihads en Algérie, en Bosnie, en Egypte ou en Tchétchénie. En frappant les tours jumelles et le Pentagone, Ben Laden a démontré que l’Occident était un colosse aux