IL EST LE PLUS ÉMINENT des historiens de l’Ukraine. Professeur à l’université de Harvard et directeur du Harvard Ukrainian Research Institute, Serhii Plokhy est l’un des grands spécialistes de l’Europe de l’Est comme de l’impérialisme russe. La Guerre russo-ukrainienne (Gallimard) revient avec brio sur les origines historiques et les premières phases du conflit. Le chercheur y déconstruit notamment plusieurs mythes ou contrevérités propagés par Vladimir Poutine et le nationalisme russe.
Vos livres montrent à quel point l’Ukraine a toujours joué un rôle important dans la définition de l’identité nationale russe. Comment expliquer cette obsession ?
La majorité des Russes croient encore, comme ils l’ont cru pendant des siècles, que leur nation est née à Kiev. Vladimir Poutine a inauguré en 2016 une statue de Vladimir I, grand-prince de la Rus’ de Kiev entre 980 et 1015. Eriger en plein cœur de Moscou un monument gigantesque pour le dirigeant d’une capitale voisine vous montre à quel point cette mythologie est omniprésente. Pour Poutine, l’unité originelle de la grande nation russe, ethnique, linguistique et culturelle, se serait faite à l’époque médiévale. Mais en réalité, la Rus’ de Kiev était une vaste entité politique multiethnique. Les origines de ce mythe remontent au XV siècle, quand la grande principauté de Moscou est devenue un Etat indépendant. Au départ, il s’agissait d’une simple revendication dynastique, son