Longtemps en chantier comme le fut ce roman historique prit d’abord la forme d’un bref récit, « D’après Dürer ». Publié en 1934 dans le il faisait partie d’un projet plus ambitieux, jamais publié, mais qui servit de matrice pour un grand nombre de textes: . Ce texte prit une dimension nouvelle lorsque Yourcenar s’avisa, en 1955, de le retoucher en vue d’une réimpression. Amplifié, transformé, il parut dans sa version définitive le 8 mai 1968, emportant la même année le prix Femina. Narrant le parcours initiatique de Zénon, un médecin persécuté par l’Inquisition impulsée par le concile de Trente (15421563), l’ouvrage a pour titre la formule qui désigne la première phase, la plus difficile, du grand œuvre, cette opération alchimique qui conduit à la transformation du plomb en or. Personnage d’imagination, Zénon est de fait un « précipité » de Léonard de Vinci, Giordano Bruno, Ambroise Paré, Paracelse ou Tommaso Campanella, tous ces savants de la Renaissance épris de liberté et férus d’expérimentation qui ont été en butte à l’obscurantisme et à l’intolérance, dans une Europe du xvie siècle moins humaniste qu’on le croit. Érudite et foisonnante, l’œuvre nous offre un voyage unique, d’Innsbruck à Wurtzbourg, de Thuringe en Pologne, d’officines en cloîtres, de cloîtres en tavernes, jusqu’à la geôle finale, à Bruges, où Zénon sera broyé par une ContreRéforme qui s’entête à vouloir sauver les âmes au prix du sacrifice de leurs corps.
