Je n’ai jamais été heureux, je le sais, ni pacifié, que dans un métier digne de foi, un travail mené au milieu d’hommes que je puisse aimer. » Cette confidence glissée dans « Le métier d’homme », article inaugural de la contribution d’Albert Camus à L’Express, éclaire le parcours professionnel et personnel de l’écrivain. De ses oeuvres littéraires à ses chroniques, de ses mises en scène aux notes de ses Carnets, la tension entre solitude et solidarité s’impose à lui. A la solitude de Jonas, « l’artiste au travail » de la nouvelle, de l’essayiste mécompris, ou du récipiendaire du prix Nobel au bord de la dépression, répond chez lui le sentiment d’une communauté de destin.
C’est que l’art demeure, à ses yeux, « un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas s’isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle » Cette même dualité est à l’oeuvre dans les années 1950 : entre la polémique autour de orchestrée par l’équipe des (Sartre et Jeanson) en 1952, d’où naîtra l’injuste réputation de non-violent béat qui devait lui coller durablement à la peau, et les attentats perpétrés le 1er novembre 1954 par le Front de libération nationale en Algérie marquant le début d’une guerre sanglante et d’un conflit intérieur pour Camus, ce dernier est aux prises avec un sentiment d’isolement qui lui fait réserver un accueil d’autant plus enthousiaste