LE CAHIER CRITIQUE • LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
Reconnaître la poésie s'avère plus simple que tenter de la définir. Dans , Christos A. Chomenidis paraît affirmer qu'il en va de même pour les poètes. Il conjugue le charme et la prestance qui feront de lui une vedette des cercles littéraires athéniens avec une rusticité héritée des Arvanites, éleveurs originaires d'Albanie. Doué pour tout, passionné quoi qu'il entreprenne, Pâris s'estime sans cesse incompris dans ses élans artistiques ou politiques et il entretient un questionnement permanent sur son travail, dont la forme déroute souvent. Le couple flamboyant qu'il forme avec Ivy, si ses frasques confinent au ridicule, ne manque jamais d'émouvoir. Après avoir rêvé de fonder une en Amérique, tous deux se consacrent à la création de l'ambitieux festival de Delphes; Pâris Kerkinos veut y marquer l'avènement d'une société à la fois dionysiaque et apollonienne enfin libérée de tous ses carcans. D'une écriture sensuelle et rythmée, Chomenidis retrace ce parcours extraordinaire dans un pays en pleine ébullition au début du XXe siècle, tiraillé entre république et monarchie et saigné par d'incessants conflits avec l'Empire ottoman puis la Turquie de Kemal. Quand le sybarite utopiste ruminera l'étendue de ses échecs, un observateur lui rendra un hommage définitif: Le chef-d'œuvre de Pâris aura été de vivre en poète.