Comment l’Allemagne torpille le nucléaire français
Ces derniers temps, des signes de fatigue creusent les visages des diplomates européens. Certes, on est très loin de l’hystérie du Brexit. Mais un air lourd et électrique flotte dans le dédale des couloirs de la Commission et du Parlement européens à Bruxelles. Au centre du jeu, les deux poids lourds de l’Union, la France et l’Allemagne. A voix basse, un des négociateurs de l’ombre confie: « Aujourd’hui il y a un aspect nucléaire dans quasiment tous les sujets. Et les échanges entre les différents camps, notamment entre Paris et Berlin, tournent à la guerre de religion. Cela devient vraiment compliqué. »
Dernière escarmouche en date: la volte-face de la France concernant la nouvelle directive européenne sur les énergies renouvelables a provoqué une grosse colère du gouvernement allemand. Il avait fallu des semaines de discussions et de querelles byzantines pour aboutir à un consensus sur ce texte qui affiche une cible très ambitieuse: porter à 42,5 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale de l’Union d’ici à 2030, contre 22 % en moyenne aujourd’hui. Sauf que le diable est dans les détails. Là, c’est l’hydrogène et les conditions de fabrication de ce gaz très utilisé dans l’industrie qui a tout fait déraper. L’Allemagne n’a d’yeux que pour l’hydrogène vert produit à partir d’électricité verte c’est-à-dire solaire ou éolienne. Tandis que la France avance la carte de l’hydrogène bas carbone fabriqué à partir d’électricité d’origine nucléaire. Derrière cette querelle, ce sont bien deux visions du futur énergétique de l’Europe qui s’opposent. « Le moteur franco-allemand est totalement grippé. Or le nucléaire appuie sur l’un des points les plus sensibles. C’est un vrai problème pour l’Europe », désespère Bas Eickhout, un député vert néerlandais, spécialiste des questions d’énergie.
Dans ce combat de coqs, chacun veut imposer son modèle et tous les coups sont permis. Après des décennies de nucléaire honteux, la France assume enfin son modèle. De l’autre côté du Rhin, l’Allemagne est tétanisée par la survie de son industrie, fortement ébranlée par sa dépendance au gaz russe, et voit d’un mauvais oeil l’avantage que pourrait tirer la France d’une énergie nucléaire abondante et bon marché. « Si les relations entre les deux pays sont aussi tendues, c’est parce