LE RÉCIT
Michel Houellebecq est un pur produit des années 1990. Comme Philippe Starck, Jeff Koons ou Karl Lagerfeld, il a fait de son nom… une marque. Tous se sont épanouis dans une période qui a vu un monde traditionnel et local disparaître au profit de la mondialisation, du marketing de masse, de la rentabilité à court terme. Leur caractère commun ? Ils sont bavards. Des bavards majuscules, enveloppant leurs produits d’une capacité de baratin hypnotique. Intarissables exhibitionnistes, excellant dans l’art de palabrer sur leur métier et sur n’importe quoi, ils offrent une narration, suscitent adhésion, « sympathie » ou répulsion, affabulent, créent du contenu. Illustration ces derniers jours avec la parution d’un livre où l’écrivain revient, façon journal intime, sur les dernières polémiques dont il a fait l’objet (prises de position politiques, islamophobie, film pornographique néerlandais). À l’image de Lagerfeld chez Chanel ayant ouvert grand le tiroir-caisse à la pluie d’or du mass market mondial en vendant des produits industriels frappés d’un logo, sur la vieille scène littéraire française, Houellebecq ravive le fantasme du grand écrivain tout en satisfaisant aux exigences du public. Ses livres sont des objets de mode, il faut les avoir lus. Ils deviennent un produit d’exportation.
Lorsque, en 1994, l’éditeur Maurice Nadeau publie son premier roman,, Houellebecq est informaticien à l’Assemblée nationale. Sa description de la vie en entreprise, Au premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen, leader du Front national, remporte 15 % des voix : un vote psychotrope pour une fraction des citoyens démunis face aux nouveaux modèles de réussite.