Comment se préparer au grand voyage ? Au printemps 2014, Graham Christensen, 28 ans, a déjà un peu quitté dans sa tête son Canada natal. Il profite une dernière fois des choses simples : une averse, l’odeur de la terre mouillée, le calme de l’océan. Il veut conserver le souvenir de la beauté de la nature, du rire de ses amis, de la sensation du corps sur l’herbe. Bientôt, il pourra fermer les yeux et y repenser avec nostalgie. Ce jour-là, il aura quitté la Terre. Pour toujours.
Graham s’apprête à partir vivre sur Mars. Oui, Mars. Ce n’est pas une plaisanterie. L’apprenti électricien fait partie des 630 candidats sélectionnés pour une mission spatiale a priori sérieuse : « Mars One ». Sans doute ses passions pour la géologie, la paléontologie et l’astrologie ont-elles aidé. Il lui reste encore plusieurs étapes à passer, car seule une poignée de chanceux auront le privilège d’établir la première colonie humaine sur la planète rouge, précise le programme. Le processus de sélection a été long. Ente deux tests, Graham est tombé amoureux. Est-ce une bonne nouvelle ? Il l’ignore. Sarah, sa compagne, l’encourage à aller au bout de son rêve, mais elle voudrait bien garder un peu de lui sur Terre. « Une nuit, confie-t-il, elle s’est tournée vers moi et m’a demandé si je voulais avoir un enfant avant de partir. » De quoi réfléchir.
Disons-le tout net, Graham n’est pas un cas isolé. Des candidats prêts à tout, et même à risquer la mort pour une initiative complètement folle, le programme Mars One en a compté des centaines en 2014. Des Anglais, des Américains, des Indiens, des Russes, et même des Français. Tous ont partagé ce rêve de quitter la Terre pour la planète la plus fantasmatique du système solaire. Et un à un, comme Graham, a dit adieu à sa famille et à ses proches. Une décennie plus tard, tous se demandent s’ils se sont fait avoir par un mystificateur de génie. Car le voyage – vous vous en doutiez – n’a jamais eu lieu. Il ne reste que des regrets, des brochures, et le sentiment honteux d’avoir été dupé. Voici l’histoire de cette grande illusion.
Jouer avec les planètes
Tout commence