IL EST TOUJOURS UTILE D’ÉLARGIR LA FOCALE et de sortir du cadre français. Chercheur et maître de conférences à Sciences Po, Hugo Micheron livre, avec le remarquable La Colère et l’Oubli (Gallimard), une première histoire du djihadisme européen. Depuis 2001, près de 150 attentats islamistes ont été commis de Stockholm à Madrid, faisant 800 morts. Mais, comme le montre l’un de nos meilleurs spécialistes, loin de se limiter à des attentats sanglants, cette idéologie a d’abord patiemment tissé sa toile à travers des écosystèmes locaux. Elle ne vise rien de moins qu’à saper les fondements de nos démocraties européennes. Cette histoire sonne ainsi comme un avertissement: n’attendons pas la prochaine vague de terrorisme pour traiter le djihadisme non pas comme une simple menace sécuritaire, un symptôme social ou une réaction à notre « laïcité » française, mais comme un problème de fond, à la fois transnational, religieux et politique.
Ces dernières années, les nations européennes ont eu tendance à envisager le djihadisme qui les touchait à l’aune de leurs spécificités « locales » (la laïcité française, le « différentialisme culturel » allemand, etc.). Vous dites, pour votre part, que l’échelle pertinente est celle de l’Europe de l’Ouest… Pour quelle raison?
Pour essayer de comprendre ce à quoi nous avons affaire, il faut se focaliser sur les éléments tangibles dont nous disposons. Parmi lesquels le nombre de départs pour Daech. Ainsi, étudier le djihadisme européen à travers