« J’ai un métier tout droit sorti d’un livre pour enfants: je fais pousser des fleurs en plein Paris, puis je les cueille, j’en fais des bouquets, et je les vends. Mes clientes sontmariées, dont je garde toujours un souvenir très précis. Car si je compose tout d’abord avec ce que mon champ de fleurs veut bien donner pour leur jour J, j’assemble les tiges selon leurs goûts, les couleurs qu’elles préfèrent, les parfums qu’elles aiment. Et souvent, les amoureuses me laissent le champ libre. L’un de mes plus beaux souvenirs de bouquet de mariée-liberté, c’est un petit rien qui tenait tout juste dans la main, évocation miniature de l’innocent effeuillage de marguerite: cent pâquerettes pour cent ans d’amour, juste liées avec un fin ruban de soie. Je me rappelle encore tout le temps passé aux aurores, au ras… des pâquerettes, à récolter une à une ces cent fleurettes, pas plus hautes qu’une dizaine de centimètres. Charmée par le résultat de cette cueillette enfantine et touchée par la joie émue de la mariée à la découverte de son bouquet, j’ai décidé, depuis, que les auraient une place de choix à la ferme. Sous le climat francilien, ces humbles plantes pérennes ont l’avantage de fleurir presque en continu de Pâques à novembre, bien plus longtemps que leurs grandes cousines les marguerites des champs (), qui ne nous font grâce de leurs fleurs hautes sur leurs tiges de cinquante centimètres qu’entre mai et juillet. Mais mon terrain parisien, sableux, sèche et chauffe rapidement, alors que les s’installent plus volontiers dans des sols frais, légèrement humides. J’ai donc jeté mon dévolu sur l’ la pâquerette des murailles, venue du Mexique et aussi résistante à la sécheresse qu’au gel. Elle fleurit elle aussi abondamment pendant toute la saison des mariages, offrant au soleil ses cœurs d’or et ses petits pétales blancs virant vers le rose, que j’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, plus que tout. »
