Douze ans après la « révolution de jasmin », le pays modèle du monde arabe est confronté à la dérive autoritaire du président
Kaïs Saïed, le président, a la silhouette de Nosferatu mais, à cause de sa froideur, on l’appelle Robocop
De notre envoyée spéciale à Tunis Florence Broizat
Niché dans la médina, à deux pas des ministères, c’est un café où le temps se suspend. À l’ombre de ceps centenaires, les Tunisois y devisent de tout et de rien : cet hiver aux allures de printemps, les prix qui explosent, les dernières saillies présidentielles… Il faut dire que Kaïs Saïed n’en est pas avare. Tous les deux jours, ou presque, le chef de l’État poste sur la page Facebook de la présidence la vidéo d’interminables discours truffés d’annonces ahurissantes, d’invectives et de divagations paranoïaques. Le ministre de l’Intérieur lui a dernièrement emboîté le pas, comparant publiquement les journalistes à des « mercenaires », des grands patrons, des syndicalistes et des juges à des « traîtres ». Attablée avec six amies, Nour prend le parti d’en sourire. « On n’est pas politisées… » « C’est trop déprimant, la politique », rebondit Souhaila, sa voisine. Regards complices. Deux portent un voile, les autres un peu de rouge à lèvres. Étudiantes en 4année de médecine, elles ont entre 21 et 23 ans, la biologie cellulaire les accapare plus