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Les secrets maudits d’Emile Ajar

rois juillet 1981, sur le plateau d’ vidé de son public, Bernard Pivot reçoit un jeune homme, Paul Pavlowitch. Regard de braise, sacrée belle gueule, et un accent appuyé qui charrie dans ses roulements de consonnes Russie, Pologne, yiddish de la grand-mère et roches rouges de Nice. Quatre jours auparavant, via un communiqué à l’AFP, celui-ci, fils de Dinah, la cousine germaine de Romain Gary, révéla la plus incroyable mystification de la littérature française : Emile Ajar n’existe pas. Il a endossé ce rôle, mais les quatre livres publiés de 1974 à 1979, dont Goncourt 1975, ont tous été écrits par son « oncle » Gary. Une farce. Une renaissance pour l’auteur prestigieux qui voulut berner les critiques littéraires, leur prouver qu’ils ne savaient pas lire, pas le lire. Et il les a bien eus ces pisse-copie, ces « merdassiers », lui, catalogué écrivain conservateur, le gaulliste farouche, encensé voici vingt ans pour Goncourt 1956, dont les romans annuels désormais lassent. Tous tombés dans le piège. Ce style en roue libre, cette syntaxe tordue, quel écrivain cet Ajar. Quelle opérette, oui ! C’était lui, Gary ressuscité, Gary masqué. Devant leur écran, les Français ébahis retiennent leur souffle. Tassée de travers sur sa chaise, la marionnette Emile Ajar défait en direct son costume. Il enfume, il grandiloque, il n’explique rien, quelques mots jetés en vrac. Le lendemain, le public se jette sur son livre, C’est Claude Durand, patron de Fayard, qui l’a convaincu de livrer sa version du duo subversif. Quatre décennies plus tard, en ce février frisquet (Buchet-Chastel), un ouvrage apaisé, respectueux. Et toujours ces ellipses. Comme des flaques noires, autour desquelles il danserait.

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