Fin janvier 1976, Rudolf Kempe grave, en la Lukaskirche de Dresde, la Sinfonia da requiem de Britten et la Suite de L’Oiseau de feu de Stravinsky (Berlin Classics) : la transparence des textures, la pureté des lignes, l’assise rythmique y tiennent du miracle. Il est au sommet de son art, et nul ne se doute qu’il enregistre alors son ultime disque. Il meurt d’une insuffisance hépatique trois mois plus tard, à l’âge de soixante-cinq ans.
Né sur les de l’Orchestre de Dortmund qui se le fait aussitôt chiper par le Gewandhaus de Leipzig dont le prestige, à l’époque, égale celui du Philharmonique de Berlin. Le même König prophétise bientôt : « Tu as l’étoffe d’un chef, mon garçon ! » Le jeune homme n’en croit d’abord pas un mot. S’il finit, en 1934, par diriger une formation amateur, il entame pour de bon son parcours de trois ans plus tard, non sans avoir consciencieusement fait ses classes en parallèle de son activité d’instrumentiste. Il passe la guerre sous les drapeaux, prend, en 1945, la direction du Théâtre de Chemnitz dans des conditions matérielles plus que spartiates, avant de succéder, en 1949, à Joseph Keilberth au Semperoper de Dresde. Un de Weber, une de Strauss, des de Wagner confondants de vigueur (Hänssler) témoignent de cet exaltant mandat. Kempe démissionne en 1953, la RDA devenant chaque jour un peu plus asphyxiante. Il considéra jusqu’au bout ces quatre années comme « les plus belles et heureuses de [sa] vie ».