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Les guerres secrètes des espions français

Imaginez deux maîtres espions qui se toisent en public. La scène a lieu le 22 juin 2022 dans les jardins de l’hôtel des Invalides, lors de la soirée estivale de l’Association des journalistes de défense. Le général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire (DRM) de 2013 à 2017, tombe sur Bernard Emié, le patron de la mythique Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Le militaire est considéré comme un adversaire de la maison depuis qu’il a plaidé, dans son ouvrage Soldat de l’ombre (2020), pour la suppression du service action de la DGSE. La rencontre est glaciale. « Quels sont vos succès ? » fait mine d’interroger le gradé, à qui l’ex-ambassadeur reproche les propos de son livre. « Vous n’en savez rien », réplique sèchement Emié. Le principe du « droit d’en connaître », popularisé par la série Le Bureau des légendes, interdit de savoir ce que font précisément les services secrets. Une règle frustrante en cas de polémiques. Et l’actualité brûlante n’en manque pas. Ces derniers mois, les espions français ont été accusés de ne pas avoir vu venir la guerre en Ukraine, de galvauder l’influence tricolore en Afrique, d’être incapables de faire face aux désinformations russes ou aux attaques informatiques. Nos services de renseignements sont-ils aujourd’hui à la hauteur des enjeux ?

Le 20 octobre, le directeur de la DGSE a tenu à défendre son service sur ce point, en compagnie de Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI). Les deux hauts fonctionnaires faisaient conférence commune au théâtre des Sablons, à Neuilly (Hauts-de-Seine), sur le thème du « renseignement de la Seconde Guerre mondiale à nos jours ». « On a l’un des meilleurs renseignements du monde, on est en tout cas dans le top 3 », avance ce soir-là Bernard Emié. Une référence aux déclarations de Gina Haspel, ex-directrice de la CIA, publiées dans s cet été. Interrogé par L’Express, David Petraeus, patron de la CIA de 2011 à 2012, situerait lui aussi la DGSE parmi les trois meilleures agences : « La DGSE française est une agence extrêmement professionnelle et compétente, avec laquelle les membres des services de renseignement américains entretiennent depuis longtemps une relation productive et mutuellement bénéfique. » Un ancien patron des renseignements britanniques, lui, placerait les services secrets français dans le top 5 mondial : « La DGSE est très estimée par les services de renseignement britanniques. Il existe très peu de pays comme la France et la Grande-Bretagne capables d’opérer de façon globale.

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