Et soudain, l’image se fissure. Jeudi 3 novembre, le cri d’un député RN, Grégoire de Fournas, « Qu’il retourne en Afrique! » lancé alors que son collègue LFI Carlos Martens Bilongo, à la peau noire, évoquait un bateau de l’ONG SOS Méditerranée transportant à son bord des migrants, a provoqué une intense émotion sur les bancs de l’Assemblée nationale. « Le racisme n’a pas sa place dans notre démocratie », a tonné la Première ministre, Elisabeth Borne. L’événement brouille les efforts réalisés depuis plusieurs mois par le parti lepéniste pour s’institutionnaliser. Un mouvement de fond, à l’œuvre depuis l’élection surprise, en juin, de 89 députés du Rassemblement national.
Hormis l’épisode Fournas, on les entend peu, ces nouveaux élus, et quand ils parlent, on ne sait qu’en dire. La plupart du temps polis, toujours cravatés et présents dans l’hémicycle: l’extrême droite voudrait présenter une façade respectable pour intégrer, grâce au concours de la majorité, les postes à responsabilité. Cette quête d’institutionnalisation ne se limite pas au Palais-Bourbon: elle s’étend à la vie politique locale, aux cercles de pouvoir, au monde de l’entreprise et aux médias. Depuis le 5 novembre, pour la première fois depuis la création du Front national il y a cinquante ans, le mouvement n’est plus dirigé par un ou une Le Pen, mais par le député européen Jordan Bardella. Une nouvelle étape dans la normalisation de ce camp qui n’a cessé, scrutin après scrutin, de rassembler davantage de Français sous sa bannière. Est-ce l’extrême droite qui a changé, ou nos regards qui se sont habitués? Enquête sur un phénomène aux conséquences politiques durables.
On ne se méfie pas assez des grillages. Ce 28 septembre, la