ET SI JOHNNY HALLYDAY N'ÉTAIT PAS DEVENU CHANTEUR?
n an après avoir disculpé Œdipe de son crime, Pierre Bayard est de retour avec un livre sur les histoires parallèles et les uchronies, ces jeux de l'esprit basés sur la question « et si? ». Et si Christophe Colomb n'avait pas découvert l'Amérique? Et, un bref ouvrage à sa manière, paradoxal et lumineux, qui bouscule plaisamment les habitudes. Si les Beatles n'avaient pas existé, les Kinks seraient-ils un groupe culte? Si Marx était mort en bas âge, qu'aurait été le xxe siècle? Si Proust n'avait pas existé, qui serait aujourd'hui l'écrivain français le plus étudié dans le monde? À quoi Jean-Yves Tadié aurait-il consacré sa carrière? Anatole France serait-il à la mode? Comme on le voit, c'est un jeu grisant, qui donne le vertige. Un monde sans Proust serait une catastrophe, mais on y reconnaîtrait peut-être à leur juste valeur d'autres chefs-d'œuvre presque aussi intéressants que , aujourd'hui oubliés par sa faute. Grâce à ces exercices de pensée, on mesure l'arbitraire du canon artistique et les injustices de la postérité. Si Bayard n'était pas là pour poser ces questions, quelqu'un le ferait-il à sa place? En hommage à la manie de Bayard de mettre toujours des points d'interrogation dans ses titres, j'ai décidé d'écrire sous forme de questions la suite de cette chronique, consacrée au de Jean-Baptiste Baronian – un vieil ami du présent journal, où il a longtemps tenu la chronique des polars. A-t-il lu les centaines d'ouvrages mentionnés dans cette somme? Comment a-t-il croisé la route de chefs-d'œuvre aussi oubliés que de Marcel Rouff, de Cadet de Gassicourt, ou d'Auguste Luchet? Les livres qui célèbrent la bière sont-ils si rares qu'il l'affirme dans sa notice sur Charles Deulin, l'auteur des ? A-t-il personnellement testé les recettes du de Carême, du d'Escoffier et de de Nignon? Est-ce pour me faire plaisir qu'il consacre une entrée à mon cher Marcel Aymé, et une autre à Gaston Roupnel? Préfère-t-il qu'on dévore son dans l'ordre, entrée-plat-dessert, ou dans le désordre, façon buffet? Partagerait-il plutôt un pâté de foie avec Balzac, une dinde truffée avec Béraud, un jambon de Mayence avec Boileau? A-t-il pris du poids en écrivant ce livre? Si oui, ne devrait-il pas envisager maintenant une suite consacrée aux écrivains ascètes, qui ne mangent presque rien et qui considèrent même parfois, comme Thomas De Quincey, que la nourriture est « »?
