Avril 1832
Rose Champollion avait quitté Paris pour venir se reposer aux « Ombrages », la propriété de son amie Zoé, dans le petit village dauphinois de Vif. Après le drame qu’avaient été la maladie, puis la mort de Jean-François, le 4 mars précédent ; après l’épreuve des obsèques grandioses dont on avait gratifié le grand homme, et les innombrables lettres du monde savant auxquelles il avait fallu répondre, Rose était venue se réfugier auprès de sa vieille amie et des souvenirs de sa jeunesse grenobloise. Pendant que sa fille, la petite Zoraïde, promenait le berceau de sa poupée dans le jardin, elle s’assit sur un banc face au spectacle des Alpes qui se profilaient de l’autre côté de la vallée. Rose avait toujours eu du mal à comprendre la passion de son mari. Comment peut-on vivre du matin au soir devant des signes incompréhensibles qu’on veut absolument déchiffrer ? Comment avait-elle pu elle-même aimer un homme qui avait si souvent délaissé sa femme pour ses recherches ?
La famille de Rose Blanc était dans la ganterie. L’industrie avait fait la richesse et la réputation de Grenoble, ainsi que la fortune des parents de Rose qui employaient dans les montagnes de nombreuses jeunes filles comme « piqueuses » à domicile. Mais la Révolution avait stoppé net l’essor de l’industrie gantière, victime de son image aristocratique. Au plus sombre de ces années terribles, était née Rose, le 11 février 1794. L’enfant était si fine et si mignonne que tout le monde la surnomma Rosine.
Quelques mois plus tard, à la mort de Robespierre en juillet 1794, les affaires avaient repris lentement, notamment grâce à l’épouse de Bonaparte. L’impératrice Joséphine de Beauharnais consommait des paires de gants par centaines.
Ainsi, l’affaire de Claude Blanc avait pu prospérer de nouveau.
en épousant, le 3 décembre 1818, un jeune universitaire grenoblois originaire de Figeac, Jean-François Champollion. Elle n’imaginait pas alors qu’elle