Je suis né et j’ai grandi dans le cirque Ferenczy, où ma mère était écuyère. Dès que j’ai pu marcher, elle m’a appris à me tenir sur un cheval, sous le regard encourageant de toute la troupe qui prédisait qu’un jour, moi aussi j’aurais ma place sur la piste. A 9 ans à peine, j’ai choisi de m’entraîner pour devenir trapéziste, parce que j’étais fasciné par la légèreté qui caractérise ce métier. Ma mère craignait que ce ne soit trop dangereux, mais elle s’est laissé convaincre par M. Ferenczy qui disait qu’il ne fallait pas contrarier ma vocation. J’ai progressé très vite et, à 17 ans, j’ai commencé à présenter avec Taddeus, mon coéquipier, un numéro de haute voltige qui suscitait des cris de peur et d’admiration dans le public.
Au point qu’au bout de quelques mois, M. Ferenczy a programmé notre numéro en fin de spectacle, parce qu’il estimait que c’était le plus impressionnant, et qu’aucun autre artiste ne pourrait être véritablement apprécié après notre passage.
Evidemment, cela nous a valu plusieurs bouffées de jalousie au sein de la troupe, mais je ne m’en souciais guère. J’étais heureux. Nastassia, la jeune et belle dompteuse de tigres blancs, se montrait subjuguée par mes prouesses au point d’accepter mes avances. Rien ne semblait pouvoir affecter mon bonheur. Pas même les prédictions de Mme Rosaria, qui m’avait confié en aparté :
– Toi, tu es trop doué pour te contenter d’être l’étoile de notre petit cirque. Je sens que tu as déjà prévu de nous quitter. Et pourtant, je ne te vois pas partir…
Mme Rosaria était la cartomancienne de la troupe. Chaque après-midi, elle se tenait à l’entrée du chapiteau et elle proposait à ceux qui venaient réserver des places de lire leur avenir, moyennant un peu d’argent. Je puis bien l’avouer aujourd’hui, elle racontait n’importe quoi à ceux qui venaient la consulter. Pour leur faire plaisir, elle leur promettait des rencontres amoureuses, des promotions dans leur carrière et des voyages lointains, jusqu’à ce
