L’héritière de Victoria plus que d’Elizabeth I
Ses parents lui avaient choisi le prénom de la fameuse « Reine Vierge » qui régna sur l’Angleterre et l’Irlande pendant quarante-cinq ans, entre 1558 et 1603. Mais Elizabeth II ne sembla pas partager beaucoup de traits avec son illustre ancêtre, d’Elizabeth I, du moins à première vue.
Autre temps, autres moeurs, Henry VIII, le fameux Barbe-Bleue, fit décapiter la mère d’Elizabeth I, la jolie Anne Boleyn. Cet acte inspira peut-être à sa fille, devenue reine, l’exécution de sa cousine qui lui faisait de l’ombre, la très catholique reine des Ecossais, Marie Stuart. Elizabeth II, elle, ne traversa pas des épisodes aussi sanglants: seuls le décès prématuré de son père, le divorce de trois de ses quatre enfants, la mort accidentelle de sa bru et l’incendie du château de Windsor en 1992 auront amoindri le bonheur d’une vie relativement paisible, tout au moins par rapport à l’ère Tudor.
Politiquement, si les deux souveraines firent face à des défis différents, toutes deux vécurent sous les menaces d’invasion de leurs chères îles. Elizabeth I dut surmonter la guerre religieuse entre protestants et catholiques en établissant l’Eglise anglicane, et affronter la puissante Armada de Philippe II d’Espagne bien partie pour envahir l’Angleterre. Juchée sur son cheval, en robe blanche et cuirasse d’argent, elle avait galvanisé ses hommes avec ces mots: « Je sais que mon corps est celui d’une faible femme, mais j’ai le coeur et les tripes d’un roi, et qui plus est, d’un roi d’Angleterre. » L’Armada fut dûment décimée en mer du Nord par les forces navales anglaises. Si la jeune Elizabeth II n’eut pas à haranguer ses sujets en robe et cuirasse, les menaces nazies et les bombardements du Blitz pendant la Seconde Guerre mondiale l’auront profondément marquée.
« Elle n’a pas été tendre avec les Tudors. Elle n’a jamais eu leur arrogance »
En réalité, les deux Elizabeth ont surtout eu en commun le fait que ni l’une ni l’autre n’était destinée à devenir reine. Comme le rappelle l’historienne Tracy Borman, auteur de nombreux ouvrages sur la monarchie britannique et spécialiste de l’époque Tudor, « il existe une conviction selon laquelle les plus grands souverains anglais sont ceux qui n’auraient jamais dû régner. »
A quatre cents ans d’écart, ces reines ont aussi été des stratèges en matière de communication et de gestion de leur image. Et peut-être Elizabeth II doit-elle à