Le jour pointait à l’horizon, rougissant la vaste plaine sous les premiers rayons de soleil. Des champs de blé dorés s’étendaient à l’infini et ondulaient sous la brise chaude. Dans la douce quiétude matinale, une jeune fille, tenant à bout de bras deux énormes paniers, faisait bruyamment claquer ses sabots sur le chemin pierreux. Lucie Granier se rendait au marché de Daumeray pour y vendre ses fromages. La taille légère et le teint bruni par le grand air, la jeune fille marchait à grandes enjambées, le nez dans les nuages. Lucie, la cadette de la famille Granier, vivait avec les siens à La Bruère dans la ferme familiale. Située non loin de l’église Saint-Martin, l’exploitation était célèbre pour ses fromages. Mais pas seulement ! La propriété des Granier était située à proximité d’une imposante bâtisse en ruine, surnommée par les gens du pays « la demeure du fou ».
Et pour cause, il courait une rumeur à propos de la demeure : le dernier descendant de la noble famille, qui y avait habité trente ans plus tôt, y aurait caché une malle remplie de pièces d’or.
Jadis, bon nombre de curieux, de rêveurs et d’opportunistes pris d’une sorte de folie tenace, enragés, s’étaient succédé pour fouiller l’habitation et ses abords. Mais sans succès.
Les années passèrent. Peu à peu l’engouement se tarit.
Tout le monde finit par se convaincre que cette malle n’existait pas et n’était autre que le fruit de l’imagination de quelques plaisantins. Comme chaque fois qu’elle se rendait au marché de Daumeray, Lucie s’était mise en route de bonne heure. En lisière des bois, elle croisa Louise et Anna, deux filles du village qui partaient traire les vaches dans le pré du haut. Toutes les trois s’arrêtèrent pour bavarder un peu. Lucie en profita pour poser les deux paniers à terre et boire une gorgée d’eau de la gourde accrochée à sa ceinture.
– Quelle chaleur ! Va encore faire chaud, aujourd’hui, dit Louise en épongeant son front mouillé de sueur