Marie Claire - France

Martinique, le goût amer de la banane

Sur le parking de la gendarmerie du Marin, petit bourg côtier du sud de la Martinique, des vibrations s’élèvent au-dessus des drapeaux Rouge-Vert-Noir (RVN), les couleurs du mouvement anticolonialiste martiniquais. Le son grave s’échappe des conques de lambi dans lesquelles soufflent une jeune femme en treillis et un grand type maigre. Pendant l’esclavage, les «Marrons » utilisaient ce coquillage caribéen pour communiquer de morne à morne, ces collines aux flancs raides dans lesquelles ils trouvaient refuge. Ils sont une petite trentaine, ce matin, à avoir répondu à l’appel sur les réseaux sociaux: soutenir leur camarade Aude Goussard, responsable de formation et témoin dans le cadre d’une enquête pour dégradation de bien d’autrui – des poubelles incendiées à Cap Est le 22 mai 2021. En cette date anniversaire de l’insurrection des esclaves qui a précipité l’abolition de l’esclavage en Martinique, elle avait participé à une marche dans ce quartier du François où vivent les familles békés les plus nanties de l’île. Ce matin, au Marin, l’atmosphère est inflammable. « Dégagez ! » gueule un militant aux gendarmes. Le sonneur de lambi s’époumone : « Les békés nous oppressent depuis quatre cents ans, faites votre boulot ! Qu’avez-vous fait contre le chlordécone ? »

Chlordécone ? C’est le nom d’un polluant organique. Aujourd’hui, dans de vastes parties des deux îles, la culture de légumes et l’élevage sains sont toujours impossibles. 93 % des Martiniquais·es et 95 % des Guadeloupéen·nes sont contaminé·es. Neuf Antillais·es sur dix. Interdite aux États-Unis en 1976, déclarée cancérogène probable par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1979, l’utilisation de la molécule a malgré tout été autorisée par l’État français aux Antilles en dépit des multiples signalements par les institutions de recherches nationales de contamination – Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Institut national de la recherche agronomique (Inra). Jusqu’en 1990. Les planteurs antillais ont alors obtenu une dérogation de trois ans pour écouler les stocks du poison.

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