Le retour des buffets de gare
fermaient les uns après les autres. De Lille à Agen, de Poitiers à Dijon, Périgueux, Avignon, Strasbourg et même dans les principales gares parisiennes, le désenchantement précédait les pelleteuses. Comme s’il était dans la nature des gares de communier avec cette poétique ferroviaire neurasthénique, cette contrariété inhérente au voyage: on pense souvent plus au désagrément de quitter qu’au plaisir de rejoindre. Pourtant, la gare et le train restent solidement ancrés dans notre mythologie. En avion, en voiture, on se transporte. En train, on voyage. Le train est Il y avait, avec l’entrée dans les tunnels, la rythmique soutenue des rails, de parfaites allégories pour l’érotisme du rail. Les brasseries de gare préfiguraient ces transports magiques. Elles suivirent la période d’ouverture des lignes, et ce, dès la seconde moitié du XIX siècle. Elles fleurissaient comme jonquilles au printemps. C’était du reste cocasse. Parfois, le haut-parleur des quais lançait à la cantonade: Imaginez la ruée vers la brasserie avec ses plats à prix modiques, expéditifs (soupes, volaille froide, jambon...). Les paniers-repas verront alors le jour, puis les wagons-restaurants, à la fin du XIX siècle, prendront le relais alors que triomphent les restaurants de gare. Le plus célèbre, par bonheur, existe encore aujourd’hui. C’est le fameux Train bleu de la gare de Lyon, à Paris. Voici sans doute le restaurant le plus spectaculaire de la capitale. Construite à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris, en 1900, la gare principale provoque l’admiration des Parisiens avec sa façade de 100 mètres de long, ses 13 quais et sa tour de 64 mètres de haut. Le Tout-Paris accourt et fait honneur à la demi-langouste mayonnaise à 4,50 francs, le turbot sauce mousseline à 1,75 franc ou encore la longe de veau-aubergine gratinée à 1,50 franc, le Château Calon Ségur affichant ses 8 francs. Cette salle magnifique balance entre style néobaroque et Belle Époque. Elle fut sauvée de la démolition par André Malraux en 1966 et classée aux Monuments historiques. De nombreux films y furent tournés, dont (George Cukor, 1972), (Jean Eustache, 1973), (Steve Bendelack, 2007), r (Jérôme Salle, 2005), avec Sophie Marceau, ou encore (Luc Besson, 1990). Dans ce dernier, Anne Parillaud y célèbre son anniversaire. Elle se voit offrir un pistolet automatique avec l’obligation d’éliminer un méchant maffieux assis derrière elle, avant de fuir par les cuisines (reconstituées en studio) dans un canardage gothique. Eddy Mitchell y donna un concert, sur un podium installé sous la pendule. Salvador Dali s’y livrait à un rituel. Amateur de gares, dont celle de Perpignan qu’il décréta « centre de l’univers », affichiste pour la SNCF, chaque fois, il se rendait aux toilettes. Il déclara avec le ton qu’on lui connaît: Aujourd’hui, les WC sont aveugles. De la céramique noire fait office de toile de fond. La cuisine s’ébroue toujours avec condescendance. La magie des lieux reste intacte. Un menu voyageur (49 euros) se propose même d’être servi en 45 minutes.
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