Sept

Le roi des banksters

Le premier bankster de la CIA avait pour nom Paul Lional Edward Helliwell (1915-1976). Ancien agent de l’OSS en Asie (Office of Strategic Services, Bureau des services stratégiques durant la Deuxième Guerre mondiale, ancêtre de la CIA), il se lance dans les affaires à la fin de la guerre, avec succès. En quelques années, le voilà millionnaire. Seul problème, Helliwell n’est pas du tout un homme d’affaires, mais un officier de la CIA en mission. A partir de la fin des années 1940, l’Agence se sert d’institutions financières comme Brown Brothers Harriman & Co – la plus ancienne et l’une des plus grandes banques d’investissement privées des Etats-Unis – ou Chase Manhattan Bank pour financer ses activités clandestines. Mais avec leur multiplication, , Hugh Hefner, celui de , Robert Guccione, et trois parrains de la Yiddish Connection, Morris «Moe» Barney Dalitz, Morris Kleinman et Samuel Tucker. L’IRS annonce avoir mis à jour «la plus grande machine d’évasion fiscale de l’histoire.» Coup de théâtre, quelques mois plus tard, elle abandonne l’enquête alléguant des «problèmes juridiques». Par la suite, le évoquera «la pression exercée par la CIA invoquant des questions de sécurité nationale». Mais dans le monde du secret, toute publicité tapageuse est de trop: la Castle Bank and Trust Company est placée en liquidation. La CIA a besoin d’une nouvelle banque, ce sera la Nugan Hand Bank. Sur une photo non datée et de source inconnue, on découvre Paul Helliwell serrant la main de Frank Nugan sous l’œil amusé de Michael Hand. Les trois hommes veulent-ils immortaliser le passage de témoin entre banksters? Helliwell est mort peu après, le 24 décembre 1976, d’un emphysème. Après la faillite de la Nugan Hand Bank en 1980, d’autres établissements ont pris le relais comme la Bishop, Baldwin, Rewald, Dillingham & Wong (BBRDW) établie en 1978 à Hawaï. Dans son conseil d’administration, on retrouve là aussi d’anciens hauts fonctionnaires de la CIA et d’anciens responsables de la Nugan Hand Bank tel que le général américain Edwin Black. Une banale enquête du fisc américain révèlera les liens entre la BBRDW et la CIA. Mise en cause par la presse, l’Agence est forcée de reconnaître qu’elle est «légèrement» impliquée dans la BBRWD. Laquelle sera déclarée en faillite le 4 août 1983, six jours après la tentative de suicide de son directeur Ronald Rewald, ancien responsable de la CIA. Arrêté à sa sortie de l’hôpital, Ronald Rewald, qui doit faire face à 98 chefs d’accusation et 400 ans de prison, choisit pour sa défense d’avouer que sa banque n’était qu’une façade pour les activités de la CIA. L’Agence minimisera encore une fois son implication, arguant que ses relations avec Rewald se limitaient à lui fournir un service commercial, téléphonique et télex à la disposition de ses agents ayant besoin d’une «couverture légère». Résultat: Rewald est reconnu coupable de 94 chefs d’accusation de fraude, de parjure et d’évasion fiscale et condamné à 80 ans de prison en 1985. Libéré sur parole dix ans plus tard, il mourra en 2017. Quant aux archives de la BBRDW, elles ont disparu, tout comme celles de la Nugan Hand Bank. Avec le déplacement des routes mondiales de l’héroïne du Triangle d’or de l’Asie du Sud-Est vers le Croissant d’or en Afghanistan et le Pakistan à la fin des années 80, la CIA utilisera d’autres institutions pour déplacer ces énormes flux d’argent comme la BCCI (Bank of Credit and Commerce International). La banque pakistanaise, qui a connu une faillite retentissante en 1991, blanchissait de l’argent à l’échelle mondiale (cartels colombiens de la cocaïne, Saddam Hussein, Manuel Noriega, Samuel Doe…) finançait le trafic de drogue, d’armes (Contras du Nicaragua, Irangate, moudjahidines en lutte contre l’Armée rouge, etc.) et le terrorisme (Abou Nidal du Fatah palestinien, Oussama ben Laden, etc.) se livrait à l’extorsion et au chantage, facilitait l’évasion fiscale, la contrebande et la prostitution, etc. Lorsque les grandes banques américaines se sont effondrées en 2008, on a découvert que l’argent de la drogue était la seule chose qui maintenait tout le système financier à flot. La BBCI avait infiltré le marché bancaire américain en rachetant plusieurs entités grâce à des prête-noms renommés, des législateurs étatiques et fédéraux, des régulateurs et des politiciens, parfois proches de la Maison-Blanche. Un système cleptomane utilisé sur tous les continents… (150 succursales recensées dans 46 pays en 1980). Nugan Hand n’était qu’un chapitre de la longue histoire interconnectée des entreprises, du renseignement et du crime organisé.

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