Sept

La naissance de l’aviation suisse

Suivis avec une curiosité où se mêlent la crainte et l’exaltation, les débuts de l’aviation se déroulent dans une ambiance très animée dont l’écho retentit rapidement à maints niveaux de la vie sociale et culturelle. Car nouveaux ou plus performants, les moyens de diffusion des textes et des images s’emparent de la conquête du ciel pour nourrir l’imaginaire d’une population où le spectacle et les divertissements occupent une place de plus en plus importante. Il faut dire aussi que la dangerosité des premiers aéroplanes, faits d’un amas de toiles ou de tôles qui peinent à décoller, se prête aisément à une exploitation des sentiments les plus contradictoires, de l’enthousiasme à la peur. Les accidents notamment, graves et souvent mortels, sont relatés et illustrés de façon à impressionner un public très vite fasciné par la hardiesse des pionniers. Dès lors, que ce soit sous les traits d’un sportif de haut vol ou d’un chevalier du ciel, l’aviateur fait figure de star au sens donné à ce terme par l’industrie du spectacle, voire atteint parfois le statut de héros des temps modernes.

A l’aide de quelques exemples puisés en Suisse, mon objectif sera d’examiner comment se fabriquent, se conjuguent ou se différencient ces deux images du pilote, l’une au statut plus ou moins éphémère et l’autre inscrite dans la longue durée. Ceci étant, il s’agit de ponctuer la nature des supports et des représentations de l’aviation dans la société de masse de la Belle Epoque .

Au début de son évolution fulgurante, l’aviation appartient autant au monde du sport et du spectacle qu’au domaine de la technologie ou du commerce. Le développement de la presse à grand tirage surtout, favorisé par l’introduction de la rotative et de nouveaux procédés de reproduction de l’image, repose pour l’essentiel sur sa capacité à produire du sensationnel. Commentés et illustrés dans cette perspective, meetings et démonstrations font l’objet d’une médiatisation où la mise en scène l’emporte souvent et de loin sur l’information. Comparons, par exemple, une photographie prise lors du premier vol d’Alberto Santos-Dumont (1873-1932) à Paris le 23 octobre 1906 et sa conversion en dessin colorié pour une publication dans le très populaire Petit Journal .

En observant le cliché, on remarque que les spectateurs sont peu nombreux et disséminés en arrière-plan, de sorte que leur présence s’avère discrète et assez floue. Plus proche de l’objectif, on voit l’avion en train de décoller, mais son altitude ne dépasse pas la haie de feuillus qui sert de fond à la scène. Quant à la silhouette de Santos-Dumont, debout aux commandes de son appareil, elle tend à se confondre avec la masse sombre des arbres. De fait, seul un photographe, isolé au premier plan et saisi de dos en pleine action, confère à l’événement un caractère légèrement théâtral. Le dessin colorié du par contre, tout en reprenant les éléments de la photographie, en propose une version différente. Plus nombreux, le public est aussi plus varié et mieux profilé, avec notamment la présence distincte en arrière-fond de cavaliers et de cyclistes. En outre, au premier plan, à côté du photographe représenté dans la même posture, mais un peu décalé sur la droite par rapport au modèle, l’artiste a introduit un

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