Rock and Folk

THE WRECKING CREW

“Ricky Nelson est arrivé et a annoncé que c’était du rock’n’roll, je ne savais pas de quoi il parlait”
Tommy Tedesco

ON A DU MAL À IMAGINER AUJOURD’HUI À QUEL POINT LE ROCK’N’ ROLL FUT MAL ACCUEILLI PAR PRESQUE TOUT LE MÉTIER, labels comme musiciens établis qui ne voyaient qu’un épiphénomène teenager sans lendemain dans ce qui n’était encore qu’un sous-genre naissant. Tommy Tedesco, prodige de la guitare auto-enseignée à vingt-trois ans pour fuir l’usine, et futur membre émérite du Wrecking Crew, racontait comment il avait, lui, découvert le rock en studio: “Ricky Nelson est arrivé et a annoncé

que c’était du rock’n’roll, je ne savais pas de quoi il parlait.

Jeunes musiciens

Les grands musiciens de studio de Los Angeles, qui jusque-là s’enorgueillissaient de leur élégance aussi impeccable que leur discipline de fer, refusaient purement et simplement de participer aux sessions d’enregistrement de titres rock que des petits labels indie et des wannabe producteurs avec plus de nez tentaient d’organiser. Certains avaient en effet déjà pressenti que le vent tournait dans tout le show-biz et que la jeunesse pourvue de transistors devenait un nouvel immense public à atteindre. Des jeunes musiciens à travers toute l’Amérique comprirent vite aussi qu’ils tenaient là leur chance de briller, ou au moins d’en vivre, et foncèrent à Los Angeles pour offrir leurs services sous le soleil californien. Plus cool, plus relax que leurs aînés, ils les que leur histoire reconstituée devient aussi extraordinaire. Jeunes musiciens passionnés, souvent venus de trous perdus, enfants pauvres sans avenir ou enfants de musiciens, tous animés par la même obsession pour leur instrument et par le désir brûlant de jouer et de compter dans leur domaine. Et tous fabuleusement virtuoses, par talent naturel et travail acharné, capables de déchiffrer d’un coup d’œil les partitions les plus complexes et les interlocuteurs les plus exigeants. Venus du jazz ou du classique, hautement qualifiés et profondément musiciens dans l’âme, ils étaient aussi leurs propres producteurs/arrangeurs et étaient capables de sortir de leur chapeau les idées qui faisaient les hits. La liste en est quasiment impossible à dresser, trop de titres, pas assez de crédits gravés dans le marbre, toute tentative de discographie est un déchirement, leurs accomplissements sont tellement exceptionnels qu’en écarter est toujours cruel. Mais sans aucun doute, c’est la décisive Carol Kaye qui emporte “And The Beat Goes On”, c’est le subtil Hal Blaine qui rend fascinant “Bridge Over Troubled Water” et, sans le backbeat implacable d’Earl Palmer, qui sait si “Tutti Frutti” ou “Lucille” et mille autres auraient eu le même succès? Très vite, pas fous, des producteurs décidèrent de ne plus s’en passer et réunirent régulièrement la fine équipe, par conséquent de plus en plus au point, et donc monstrueusement efficace. Spector fut le premier à repérer la magique alchimie et à utiliser toute la bande sur ses enregistrements où, pour construire son mur de son, il entassait et poussait à bout les instruments et les musiciens dans son studio à écho chéri. Et comme ça lui avait porté chance, le maniaque ne changeait plus rien au cocktail magique, ni le studio, ni les musiciens, ni même la marque de bandes magnétiques. Mais il avait raison, ça marchait du feu de Dieu, la machine à groove tournait à plein régime et tout le monde les voulait. Ils acceptaient donc tous les gigs possibles et bossaient jour et nuit, les heures de studio étaient chères et donc rentabilisées au max, trois heures de session donnaient trois titres, sauf pour quelques stars comme Frank Sinatra ou Dean Martin qui débarquaient avec des dizaines d’amis et n’intervenaient qu’au bout de plusieurs heures de répétition, quand chaque souffle était parfaitement réglé. Mais attention, on ne parle pas, pour ces véritables prodiges, de dizaines de sessions, ni même de centaines, mais bien de dizaines de milliers d’heures d’enregistrement pour les plus prolifiques.

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