Son of the beach
nze heures. Même pas une demi-journée. Voilà ce qui nous sépare de notre hiver à nous, froid et humide (je parle pour ceux qui habitent au nord d’Avignon, comme disent les Marseillais), de l’hiver de cette Californie du Sud, bien plus chaud et bien plus sec (même les Marseillais ne diront pas le contraire cette fois) car flirtant, en cette mi-janvier, date de ce roulage, avec une bonne vingtaine de degrés au plus chaud de la journée. C’est étonnant de constater à quel point l’homme est capable de s’habituer à tout, mais c’est encore plus marrant de mesurer à quelle vitesse il s’habitue à mieux. Perso, ma doudoune, je l’ai dégagée direct en sortant de l’aéroport de Los Angeles (celui-là même qui charrie près de 60 millions de personnes par an), ouvrant large les épaules et levant la tête, les yeux fermés, pour laisser cette douceur ambiante tranquillement réchauffer ma couenne de Bourguignon. Y’a franchement pire comme sensation… Surtout que là, le programme que m’a concocté l’ami Olivier de Vaulx, le local de l’étape et photographe de grand talent (je vous laisse en juger en tournant ces pages), ne risquait pas de me mettre dans le dur. Du froid, pourtant, on en trouve tout proche, L.A. étant une ville cernée de quelques montagnes, dont la plus proche (les monts San Gabriel) faisant partie de la grande agglomération culmine à 1 548 mètres. De quoi donner la possibilité aux habitants de faire du ski et de se baigner dans la même journée. Pas mal comme endroit… Mais nous, on n’aura pas eu besoin d’enfiler nos moufles, juste nos gants reste très longtemps une petite bourgade puisque cent ans plus tard, en 1887, on ne compte que 11 500 habitants dans la place. La cadence va méchamment s’accélérer au cours du siècle suivant. En 1980, ce sont près de 8,6 millions qui vivent désormais dans le grand Los Angeles. La courbe, verticale, est imprimée, elle ne verra aucune correction à la baisse s’effectuer dans les années qui suivront. Entre 1980 et aujourd’hui, la Cité des Anges gagne 10 millions de nouveaux habitants (18,8 millions recensés en 2019), faisant d’elle la seconde ville des USA après New York. Autant dire que sur les routes, on n’est jamais seul. Sur les 1000 km d’autoroute (gratuit) qui quadrillent L.A., 160 millions de kilomètres sont parcourus quotidiennement par, dans une immense majorité, des automobilistes. Nous, c’est évidemment à moto que nous nous immergeons, pour commencer, dans ce large environnement. Sur ma Triumph Tiger 900 Rallye d’emprunt, je me régale à suivre Olivier transformé, sur sa Ténéré 700, en un parfait poisson pilote. Comme en France, on fait de l’inter-files, mais sur de larges 6 voies (parfois 7)! Et ici, la moto a droit à un traitement de faveur, puisqu’on peut utiliser la file tout à gauche, la fameuse « car pool», cette voie réservée aux automobiles occupées par au moins deux personnes. Et comme les Américains, dans une immense majorité, roulent seuls dans leur voiture, autant dire que cette voie réservée permet de conserver une meilleure fluidité. Autre similitude avec la France, la possibilité de remonter les files de voitures arrêtées, du moment qu’on le fait à allure raisonnable. Une particularité californienne qui ne se vérifie pas dans tous les états, à l’image du Nevada voisin. Et si on se dit qu’en janvier, avec 20°C ambiants, patienter à l’arrêt n’est pas franchement désagréable, on imagine qu’en plein été, quand le thermomètre frôle les 40°C, là, ça devient vite insupportable. Mais pour le moment, on roule, et on quitte les grands axes pour rejoindre, la « California State Route 1», Laguna Beach, notre première halte au sud de Los Angeles. « L’Highway 1» (son autre nom) qui suit le Pacifique sur plus de 800 km mérite le titre de « California Dream Road». On ne pourra en parcourir, faute de temps, qu’une portion (une bonne centaine de kilomètres), mais ce fut déjà l’occasion de rentrer dans une superbe carte postale. De Laguna Beach, on peut profiter du Pacifique depuis la plage et les hauteurs. Quelques petits kilomètres à l’intérieur des terres en tirant des caps au milieu des nombreux lotissements résidentiels, et on rejoint un point de vue qui nous offre un bel aperçu de la majesté de cet océan. Juste à côté, un départ dans un massif où quelques vététistes s’en donnent à cœur joie. Ça grimpe pas mal, et pourtant les VTT électriques y sont interdits. Pourquoi? C’est sûrement ce que se demandent deux locaux sur leur VTT – électrique – qui nous saluent en s’engouffrant dans le premier single. Je vois bien que ma Tiger 900 aimerait les y rejoindre. Elle a pile les arguments, il est vrai, et si son appellation Rally est certes un peu présomptueuse, ses larges débattements, ses pneus à crampons et son trois-cylindres souple et progressif ne sont en rien décalés par rapport à ce que la topographie du terrain propose.
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