Côté Sud

LA COULEUR HABITÉE

Il fallait du volume, du grand, du très grand, mais aussi du calme pour accueillir tant d’exubérance. Après des années d’itinérance, de voyages et d’observation, de New York à Barcelone en passant par Berlin, Londres, Los Angeles ou Brescia en Italie, où elle séjourne pour une, avec elle la formule prend tout son sens. Privée de la vue à l’âge de 14 ans à la suite d’une maladie grave, Heather Chontos restera un an dans le noir. La vision retrouvée marquera cet appétit visuel, cette addiction à la lumière et cette frénésie de la forme. Plus la couleur est saturée, forte, tranchante, plus son retour à la vie, à la vue, est une certitude, , s’exclame-t-elle. L’artiste Oskar Kokoschka sera l’un des premiers à déclencher son désir de peindre. S’autoriser à dessiner, prendre le pinceau et se jeter à l’eau, prendra du temps. En pure autodidacte, Heather Chontos craint d’avancer sans la maîtrise du savoir. De ce qu’elle pense être une faille, elle en fera un atout, et même le sel de sa création. Sa force, c’est sa liberté, celle du corps et du geste en mouvement autour de la toile quand elle travaille, à même le sol sur la surface à peindre, en immersion complète parfois sur le support, celle des outils qu’elle détourne, des instruments de maçonnerie, des cartes de crédit, pour appliquer la matière à sa façon, celle des formes qu’elle invente, imbrique dans l’équilibre d’un puzzle foisonnant, celle des mélanges infinis de couleurs, celle des supports qu’elle explore, le textile, le papier, le carton ou enfin celle des matières qu’elle mixe, de l’encre, des bâtons d’huile, de l’acrylique ou des pastels. Intuitive, fusionnelle, , comme l’artiste aime le dire à son sujet, l’habitat rural qu’elle a choisi pour vivre lui ressemble. La pierre, le ciel de charpente, les volumes de cette grange rénovée par ses soins trouvent un écho. Ils accompagnent son instinct de vie et accueillent l’intensité de ses toiles grands formats. Son atelier à vivre est d’ailleurs devenu le support de son art. Partout, de la chambre au salon, de la salle de bain à la cuisine, il est présent. Il envahit les murs de fresques, déborde sur les tissus, les sols, le mobilier. Tout ici est fait avec les mains, tout s’improvise, avec le charme et la poésie de l’intuition, tout est prétexte à la peinture, à la géométrie des formes et des compositions. Tout se croise, se télescope, pour habiter la couleur.

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