DANS LE JARDIN DE MASAMI CHARLOTTE “Cultiver ‘petit’ pour réparer nos sols et notre paysage”
« Les 1 200 m de friche urbaine qui sont devenus mon jardin m’ont enseigné une belle leçon: comment, tout en respectant et même en régénérant le sol, on peut produire intensément. C’est le principe de siècle, de traditions agricoles de nombreuses civilisations – le modèle de la “tapade” peule en Guinée, de “l’agriculture naturelle” au Japon et en Corée, de la culture en terrasses irriguées des Hanis de Honghe en Chine et des Mayas en Mésoamérique… Ce que j’aime dans ce magnifique héritage mondial agricole, c’est aussi sa puissance politique. À certains égards, on pourrait penser que cultiver “petit”, c’est cultiver “pour soi”. Mais la beauté de ces systèmes agricoles, c’est qu’ils permettraient, s’ils étaient pratiqués à plus grande échelle, de rendre un immense service collectif: réparer nos paysages, notre quotidien et nos imaginaires. Depuis l’après-guerre, pour nourrir et reconstruire le pays, la France a maintenu une logique paysagère unique: partout, on a observé le remembrement – le rassemblement de parcelles éparses en grandes exploitations d’un seul tenant. Nos paysages se sont standardisés, modelés par et pour l’industrie agroalimentaire avec des travers bien identifiés: érosion des sols, disparition de la biodiversité, désertification des campagnes, crises de surproduction agricole, apartheid alimentaire. Aujourd’hui, en France, une exploitation agricole moyenne s’étend sur 65 ha. Près des trois quarts des exploitants n’emploient aucun salarié et le quart restant en emploie souvent moins de cinq. On estime que sur un hectare cultivé en biointensif par deux ou trois personnes, on produit autant, sinon plus, que sur un hectare en conventionnel. Et si on imaginait un nouveau paysage? Si 20 ha sur 65 étaient alloués à vingt ou trente agriculteurs et agricultrices en biointensif, avec de petites habitations attenantes, que les 45 ha restants formaient un paysage varié de prairies et vergers commerciaux où faire paître le petit et le gros bétail, bordés de haies aussi belles qu’utiles pour retenir sols et biodiversité, et de forêts où l’on viendrait se ressourcer, mais aussi générer des revenus communaux (cueillette de champignons et plantes sauvages, bois valorisé par l’industrie de la construction, du papier, du textile)? Nos paysages peuvent devenir beaux, vivants et nourriciers, intensément. »
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