Théâtre au village
12 – RÉSUMÉ : Pour François, répéter tous les soirs les scènes avec Isabelle est un enchantement. Et depuis qu’il parle à nouveau, il manifeste un tel enthousiasme qu’il porte littéralement sa partenaire de jeu. Jusqu’aux dernières répétitions, le metteur en scène suggère de nouveaux aménagements. Mais cette fois, ça y est, le grand jour est arrivé. Ce dimanche de juillet, la saison commence avec une première représentation. Isabelle a un trac fou, mais gagne en confiance à mesure qu’elle joue. Sacha semble rassuré, le public paraît avoir apprécié… (Voir Veillées nos 3487 et suivants.)
Le metteur en scène ne s’était pas trompé. Cette première représentation fut applaudie à tout rompre, y compris avec les pieds, comme le voulait l’usage ici. C’était de bon augure. Car, à n’en pas douter, il y avait des critiques dans la salle, qui en parleraient dans leurs journaux. Et puis, il fallait beaucoup compter sur le bouche-à-oreille, qui convainquait souvent les indécis ou les prudents qui attendaient les réactions des premiers spectateurs.
Isabelle put alors connaître cette euphorie si particulière dont les « anciens » lui avaient parlé, au moment du salut. Ces paysans, ouvriers, petits artisans ou fonctionnaires, connaissaient là leur heure de gloire avant de retomber dans l’oubli et le train-train de leur vie dans cette vallée perdue. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux quand le public, accentuant ses applaudissements et ses sifflets, les redemandait sur scène. Alors, au centre du rang des comédiens, sa main dans celle de François, elle s’inclina par cinq fois devant les spectateurs conquis. Elle put enfin regarder en face ses parents en larmes, ses amis trépignant de joie, entendre un ancien camarade de classe, perdu de vue car il avait quitté la région, hurler « Bravo, François ! » car il avait appris juste avant le début de la pièce le récent bonheur arrivé à son vieux copain d’école. Puis, comme le voulait la tradition, Sacha se joignit à eux, lors du dernier rappel.
