Une figure de l’absente
Comme me le disait mon père avec tendresse, j’ai été béni des dieux quand je suis né. Il faut entendre par là l’ironie qu’il mettait dans cette phrase. Je ne suis ni Apollon ni Adonis mais d’une apparence plutôt banale. Simplement, il semblerait que mon esprit ait été irrigué par l’influence de la déesse Athéna qui m’a initié très tôt aux beautés de la nature. Je suis tout simplement un amoureux de l’art, sous toutes ses formes. Mais celle qui me touche le plus est la sculpture.
Il m’arrive de traverser le jardin du Luxembourg pour le seul plaisir d’y croiser au-delà de la fontaine Médicis les statues de L’Acteur grec ou du Faune dansant. Je m’égare souvent dans le jardin du musée Rodin pour y contempler Le Penseur. La façon dont ces artistes ont figé leurs modèles dans une pose pour l’éternité me fascine. J’observe leurs mouvements taillés dans le bronze ou dans le marbre. Je suis touché par leur grâce.
– Léo, tu vas aller à cette vente ? me demande mon ami Michel.
Nous nous sommes retrouvés comme chaque lundi midi, attablés dans notre brasserie favorite du boulevard Saint-Michel. Notre menu nous attend à la table qui nous est attribuée, à distance respectable du moindre courant d’air et de l’incessant va-et-vient des serveuses et des garçons de café. Nous avons nos habitudes. C’est notre rituel.
Je déplie avec précaution le catalogue de la vente aux enchères qui va se dérouler chez Drouot. Comme je l’aurais fait pour le menu, j’observe avec soin les objets qui défilent sous mes yeux. Je les connais tous, pour la plupart, et j’en frémis d’avance. Il s’agit d’une séance extrêmement rare où seront mises en vente des pièces de la collection de Barbara H.
– Je ne la manquerais pour rien au monde! dis-je à mon ami qui me lance un regard complice.
Michel est galeriste à Saint-Germain-des-Prés. Nous partageons la même passion pour le monde des arts. Nous sommes des collectionneurs et nous parcourons le monde au gré de nos fantaisies pour y découvrir la perle rare. Toujours un pied dans un vernissage et l’autre dans une exposition. Quand l’un de nous rate l’événement, l’autre le lui raconte dans ses moindres détails.
Michel connaît mon attirance irrésistible pour l’œuvre de Barbara H. Le talent de cette sculptrice du XXe siècle a été à l’honneur lors d’une exposition organisée récemment à Paris. Je connais parfaitement chacune de ses pièces. Je pourrais les décrire les yeux fermés. En tournant les pages du catalogue, soudain, je sursaute :
– Regarde, Michel ! celle-ci, en page de gauche !
Mon ami chausse ses lunettes pour examiner la sculpture que je lui désigne. Il me lance un regard étonné avant de poursuivre :
– Qu’a-t-elle donc de
