La discrète
ON PEUT FÊTER ses 50 ans de carrière, avoir joué sur les scènes du monde entier, collectionner les récompenses, avoir été honorée par la reine Élisabeth II, nommée commandeur de l’ordre de l’Empire britannique, courir le marathon à l’âge de 58 ans, et être d’une timidité presque maladive. Pour Joan Armatrading, rien d’incompatible. “C’est ma nature”, explique-t-elle. La notoriété ne lui a jamais donné de l’assurance, encore moins l’envie de s’ouvrir aux autres. “J’ai toujours préféré être seule, à l’écart. Joan ‘Armourplating’ [“blindage”, ndlr] était mon surnom à l’école. J’étais terrorisée à l’idée de parler aux autres. Il faut croire que ça ne s’est pas arrangé depuis.”
Née le 9 décembre 1950 sur l’île de Saint-Kitts, Joan arrive en Angleterre à l’âge de 7 ans et s’installe avec sa famille à Brookfields, une banlieue de Birmingham. Elle grandit avec ses cinq frères et soeurs dans un environnement peu propice à la musique. Il y a bien un vieux piano à la maison, mais qui sert de meuble. Renfermée, la petite Joan se réfugie dans son monde. Dans la bibliothèque de son quartier, elle lit Shakespeare et Dickens. Chez elle, elle écrit des poèmes, qu’elle adapte en musique. À 14 ans, elle récupère une Malgré sa timidité, elle décide de jouer en public. Sa musique, imprégnée de folk, s’aventure aussi du côté de la soul, du rock et du jazz. Très vite, elle se fait remarquer. Pendant plusieurs années, elle se produit dans les clubs locaux. En 1970, elle accepte un petit rôle dans la comédie musicale Lors d’une représentation, elle rencontre la parolière guyanaise Pam Nestor. Autant l’une est intérieure, discrète, autant l’autre est expressive et désinhibée. Ensemble, elles attirent l’attention de Gus Dudgeon, le producteur d’Elton John. sort en 1972. Ce premier album révèle une artiste, à la voix grave et puissante, expressive. Classée dans la catégorie “folk singer”, la pudique Joan Armatrading dégage une telle intensité qu’elle éclipse sa partenaire, pourtant plus voyante. Ce premier succès critique, elle va devoir l’assumer seule. Et sa série de concerts au Ronnie Scott’s, le célèbre club de jazz de Londres, se fera dans la douleur.
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