Sans contrefaçon
L’autre jour, on m’a montré une vidéo d’un chien faisant du skateboard dans les rues de Los Angeles – jusque-là rien de très original. Il ne quittait pas sa planche et avançait seul, à vive allure, négociant des virages serrés et détalant des pentescréées à partir d’algorithmes et donnant une illusion presque parfaite. Ce sont, par exemple, Poutine ou Kim Kardashian en synchronisation labiale, à qui l’on peut faire dire à peu près ce que l’on veut. Nouveau moyen de manipulation massive de la réalité, ils nous plongent chaque fois dans une étonnante marge, un monde dans lequel le mensonge est aussi comique qu’inacceptable, aussi troublant que risible. Au-delà d’être une prouesse technologique de plus en plus accessible, cette réalité masquée en marge de nos vies émerge comme une nouvelle manière d’être à soi et au monde. Ce que ces images à la fois altérées et réalistes fabriquent, c’est aussi notre propre capacité à endurer le réel, à écouter ce qui, en nous, adhère ou non, à évaluer nos théories complotistes, nos croyances. Cette relation à nous-même, si resserrée, si dématérialisée, s’éloigne peu à peu de ce que nous appelions, il n’y a pas si longtemps, la différence entre le vrai et le faux. C’est comme si nous assistions à une privatisation de la réalité. Chacun possède sa propre capacité à valider le réel, à le nier ou l’honorer, à inventer son monde. Peut-être même, allons-nous finir par écrire nos fictions individuelles et privées sans égard pour la vérité ou le mensonge, augmenter la réalité selon nos propres critères...
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits