Rock and Folk

Moi, Christiane F.

(le 24 juillet 1981 pour être précis) sortait en salles l’électrifiant: “Moi, Christiane F., 13 ans, Droguée, Prostituée…”. Une chronique-coup de poing qui montrait frontalement la déliquescence d’une certaine jeunesse berlinoise à travers le parcours destroy d’une adolescente amenée à se shooter et à se prostituer pour échapper au manque d’affection familiale. Une descente aux enfers urbaine adaptée de l’autobiographie d’une certaine Christiane Felscherinow, qui, au milieu des années 1970, testa en boucle tout ce qu’il y (comme chantait Piaf qui, elle, carburait à la morphine), et ce, avant de faire le trottoir dès ses quatorze ans pour payer sa came. Un quotidien nihiliste que Christiane F. (qui se fait appeler ainsi dans son livre) a arrêté au bout de trois ans avant de s’y remettre à vingt et un, vingt-huit et quarante-six ans, pour enfin s’en délivrer complètement… “Christiane F.”, le film, lança la carrière internationale du cinéaste allemand Uli Edel qui, depuis, n’aura guère fait mieux. Car ni son “Body”, grotesque thriller SM avec Madonna versant de la cire fondue sur le torse glabre de Willem Dafoe, ni son plus récent “Pay The Ghost”, un des dix mille nanars que Nicolas Cage engrange depuis quinze ans, n’ont retrouvé le miracle filmique de “Moi, Christiane F.”. Même si on peut citer son adaptation assez incarnée du roman d’Hubert Selby, “Dernière Sortie Pour Brooklyn”, où l’on retrouve sa fascination presque fétichiste pour la drogue (dure) et la prostitution (pas chic). Faut dire aussi que David Bowie aida beaucoup à la notoriété de “Moi, Christiane F.” puisqu’il apparaît sur scène lors d’un concert fréquenté par la jeune héroïne héroïnomane. Quant à la musique, constituée de précédents tubes de Bowie, elle devint la BO officielle du film. Le même Bowie, décédé entre-temps, apparaît brièvement (joué par un vague sosie) sous forme d’hommage fantomatique (lors d’une séquence rêveuse dans les toilettes de son propre concert), tout en restant très présent dans la bande-son de “Moi, Christiane F.”, remake sériel en huit épisodes produit pour Amazon. Tout comme le livre et le film, la série reprend les principaux moments de la vie on ne peut plus délétère de la douce Christiane. Son quotidien d’adolescente vaguement rebelle, sa rencontre avec deux autres filles de son âge qui font vriller sa vie (et la leur) dans la défonce carabinée, sa fréquentation assidue du Sound gigantesque boîte de nuit où elle découvre le monde étrange et merveilleux de la dope dure, son jeune amant drogué et lymphatique qui l’entraîne encore plus profondément dans l’enfer de la came et ses tentatives de rédemption quand elle essaie plusieurs fois d’arrêter toutes ces substances du diable. Alors que le film, concentré sur deux heures, était nettement plus cru (notamment le personnage de Christiane F. interprété par une actrice qui avait réellement l’âge du rôle, alors que celle de la série en a vingt dans la réalité), “Moi, Christiane F.” glamourise un brin la glauquerie ambiante par une photo colorée et pop, proche par moments des plans psychédéliques du génial “Euphoria”, autre série sur les addictions et la jeunesse mélancolique. Passé ce manque de réalisme “Moi, Christiane F.” se défend à d’autres niveaux: les jeunes acteurs et actrices sont excellents dans leurs obsessions nihilistes, les apartés sur la mère sentimentalement paumée de Christiane sont émouvants et les nombreuses séquences de shoots et de sniffages n’inciteraient personne (même pas les Rolling Stones) à faire de même

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de Rock and Folk

Rock and Folk2 min de lectureMusic
Disques Français
Que de chemin parcouru ! Au départ, il s’agissait d’une fanfare créée pour jouer dans des bars par le producteur de Malka Family, et trente ans après, on a affaire à une imparable formation funk qui entend rivaliser avec… les JB’s, la formation légen
Rock and Folk4 min de lecture
Mush
MUSH N’EST PAS UN GROUPE ORDINAIRE. Anglais jusqu’au bout des ongles mais pétri d’influences musicales américaines, il s’appuie sur plusieurs singularités : la voix en montagnes russes du chanteur Dan Hyndman, une section rythmique beefheartienne et
Rock and Folk4 min de lecture
SHE & HIM
IL VOYAGE SEUL. Pas de She, juste Him, M. Ward est à Paris pour un concert solo à la Maroquinerie. Très solo, même. Lui et sa guitare, ses plans étranges, mélange d’accords tarabiscotés, de tunings inventifs et d’une technique inspirée de John Fahey,

Associés