L’HYMNE à la voix
aris, novembre 1967. On n’avait jamais vu une telle ferveur à l’Olympia. L’artiste, pour laquelle des milliers de fans se pressent, hystériques, n’est pas un yéyé, encore moins les Beatles ou les Rolling Stones. Non, c’est une femme mûre et forte qui vocalise, presque immobile, devant un orchestre symphonique. Quelques semaines plus tôt, Oum Kalthoum avait exigé du directeur de la salle un cachet bien supérieur à celui de toutes les pop stars. Et Bruno Coquatrix, qui connaissait à peine son nom, avait accepté. Puis il avait observé, inquiet, la jauge des réservations qui stagnait. Et brusquement, quelques heures avant le jour J, le bouche-à-oreille avait fonctionné, les places siècle dans un village pauvre du delta du Nil. Elle a appris à psalmodier le Coran en écoutant son père imam enseigner les chants sacrés à son frère. La voix de la petite est si claire, si forte, que le père l’habille en garçon et la fait chanter aux fêtes religieuses. Comme elle rapporte un peu d’argent à la maison, sa mère supplie son époux de trouver les quelques sous qui permettront à l’enfant de continuer l’école. On la demande de plus en plus dans les villages avoisinants, jusqu’au Caire où elle entonne des chants religieux dans les salons et les théâtres, toujours immobile, toujours travestie, toujours accompagnée de son père et de ses frères. Elle est pieuse, pudique, indifférente aux mondanités… et sûre de son talent. Sa discrétion contribuera grandement à bâtir sa légende. Les intellectuels remarquent vite cette enfant habillée en paysan. Les meilleurs musiciens se pressent à sa porte pour l’initier à l’harmonie et à la poésie. Tous sont avides d’accompagner et de développer cette voix extraordinaire. Elle devient une femme et accepte de chanter l’amour fou qu’elle inspire aux hommes, sans céder à aucun d’eux.
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