Traducteurs, vos papiers !
raducteur est un métier à part entière et non une fleur au chapeau, n’en déplaise à Proust, Gide, Giono, qui en ont tâté une ou deux fois. Cela étonne, à une époque où tout Français exerce deux métiers (le sien et épidémiologiste). L’empathie est la qualité première pour exercer celui-ci. Il s’agit bien de se mettre « à la place de » l’auteur, s’identifier à lui, pour se faire en quelque sorte le coauteur de son livre, de ce mois-ci par Marie Olivier, traductrice de la poète Louise Glück, Prix Nobel de littérature 2020. Mais l’air du temps est beaucoup plus inquiétant que son discours apaisé s’adressant à l’intelligence, à la culture et à la sensibilité des lecteurs. L’air du temps, c’est l’affaire Amanda Gorman, du nom de cette poète afro-américaine de 23 ans qui a eu l’honneur de lire son poème, (« la colline que nous gravissons »), le jour de l’investiture du président élu Joe Biden, événement qui a suffiàla lancer mondialement alors que son oeuvre est encore à venir. Vendue un peu partout dans le monde, elle devait être publiée chez Meulenhoff, à Amsterdam. Mais la traductrice choisie par l’éditeur hollandais étant blanche de peau (et dire qu’on en est là…), celle-ci a finalement jeté l’éponge à la suite d’un article abondamment repris dénonçant ce « scandale ». Peu après, à Barcelone, on apprenait que le traducteur du poème en catalan était récusé par les Américains, au motif qu’il est un mâle-blanc-âgé-occidental (et traducteur acclamé de Shakespeare et d’Oscar Wilde, excusez du peu) ; mais son éditeur, contrairement à son confrère néerlandais, ne s’est pas aplati, il a résisté – pour l’instant. En France, Fayard a commandé la traduction à Lous and the Yakuza, jeune Belgo-Congolaise connue comme auteure-compositrice-interprète-rappeuse-mannequin. Un choix tendance qui est un déni du métier de traducteur.
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